13.03.2025
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Face aux ambitions de neutralité carbone fixées par l’OMI et aux réglementations européennes, une étude commandée par CMA CGM et réalisée par IFPEN analyse les émissions de gaz à effet de serre (GES) des carburants marins alternatifs. L'accent est mis sur le méthanol et l'ammoniac, avec une évaluation approfondie de leurs performances en termes de décarbonation et de conformité aux cadres réglementaires. Objectif : éclairer les choix technologiques à venir pour un transport maritime plus durable. Résumé.
> Accéder au rapport d’étude (PDF 17 MO, en anglais)
> Synthèse de l'étude (PDF 2 MO, en anglais)
Face au besoin croissant de décarbonation du transport maritime, illustré par les objectifs ambitieux de l'Organisation Maritime Internationale (OMI) visant la neutralité carbone d'ici 2050 et les réglementations de l'UE, IFPEN a réalise une analyse de cycle de vie (ACV) à la demande deCMA CGM. Cette étude évalue les émissions de gaz à effet de serre (GES) de carburants marins alternatifs, en mettant l'accent sur le méthanol et l'ammoniac.
Différentes voies de production sont examinées afin d'analyser leur performance en termes d'émissions et leur conformité aux cadres réglementaires :
- E-méthanol : Produit à partir d'hydrogène renouvelable (par électrolyse) et de CO₂ capté (issus des gaz de combustion ou de la capture directe dans l'air).
- Bio-méthanol : Issu de la gazéification de biomasse, utilisant du bois de déchet ou cultivé comme matière première.
- E-ammoniac : Synthétisé à partir d'hydrogène renouvelable et d'azote de l'air via le processus Haber-Bosch.
- Ammoniac bleu : Produit à partir d'hydrogène issu du reformage du gaz naturel (SMR ou ATR) avec capture et stockage du carbone (CCS).
VLSFO (Fuel Oil à très faible teneur en soufre) : Utilisé comme référence fossile pour comparaison.
Méthodologie et portée
Cette étude propose une évaluation approfondie des carburants marins alternatifs en analysant l'impact de différentes sources d'électricité, les distances de transport et les cadres réglementaires sur leur potentiel de décarbonation. L'ACV couvre 17 régions de production, tenant compte de la variabilité des réseaux électriques, des distances de transport et des exigences de conditionnement des carburants. Des analyses prospectives à l'horizon 2035 et 2050 sont intégrées afin d'incorporer les évolutions réglementaires et technologiques.
L'étude adopte une approche holistique en modélisant un porte-conteneurs CMA CGM de 23 000 TEU sur la route commerciale Busan-Rotterdam.
L'analyse repose sur :
- Des données issues d'essais moteurs pour le méthanol, technologie déjà opérationnelle.
- Des simulations de fabricants pour l'ammoniac, technologie encore en développement.
Les émissions sont évaluées selon deux indicateurs principaux :
- WtW (well-to-wheel) par MJ de carburant (gCO₂eq/MJ), incluant ou non les émissions des infrastructures énergétiques.
- WtW par unité de transport de conteneurs (gCO₂eq/TEU.km), prenant en compte l'efficacité des moteurs, les besoins en carburant pilote et les contraintes de charge.
Principales Conclusions
E-Méthanol
- En supposant une électricité 100 % renouvelable et une capture de CO₂ issue de gaz de combustion (2035) puis de l'air (2050), les émissions WtW atteignent 16 ± 4 gCO₂eq/MJ en 2025, 12 ± 3 gCO₂eq/MJ en 2035 et 5 ± 1 gCO₂eq/MJ en 2050 [valeurs moyennes ± écarts types].
- Dans les scénarios où la capture de CO₂ est alimentée par du gaz naturel et l'électricité locale, les émissions WtW sont plus élevées (26 ± 7 gCO₂eq/MJ en 2025).
- L’e-méthanol est adapté à la décarbonation. Il réduit les émissions Well-to-Wake (WtW) moyennes par TEU.km d’environ 70 % par rapport au VLSFO, mais dépend de la disponibilité et de la capture du CO₂ biogénique, ce qui peut poser des défis logistiques et de mise à l’échelle.
Bio-Méthanol
- Le bio-méthanol est adapté à la décarbonation. Il réduit les émissions WtW moyennes par TEU.km d’environ 80 % par rapport au VLSFO, à condition que de la biomasse durable soit utilisée.
- Le transport du bio-méthanol fini plutôt que de la biomasse brute optimise les émissions.
E-Ammoniac
- En supposant une électricité 100 % renouvelable, les émissions WtW atteignent 17 ± 4 gCO₂eq/MJ en 2025 et 5 ± 1 gCO₂eq/MJ en 2050.
- L’e-ammoniac est adapté à la décarbonation. Il réduit les émissions WtW moyennes par TEU.km d’environ 50 % par rapport au VLSFO, mais rencontre des défis liés à l’efficacité des moteurs, à l’utilisation élevée de carburant pilote et aux émissions de N₂O.
- Des avancées technologiques en cours pourraient améliorer ces performances, nécessitant une optimisation supplémentaire des moteurs et des navires.
Ammoniac Bleu
- Avec des émissions WtW de 83 ± 12 gCO₂eq/MJ en 2025, 61 ± 6 gCO₂eq/MJ en 2035 et 29 ± 4 gCO₂eq/MJ en 2050, il ne respecte pas le seuil de réduction de 70 %.
- L’ammoniac bleu n’est actuellement pas viable pour la décarbonation. Il émet en moyenne légèrement plus d’émissions WtW par TEU.km que le VLSFO, en raison des émissions de méthane et de CO₂ associées à la chaîne d’approvisionnement en gaz naturel et au procédé de production de l’hydrogène bleu.
- Ce n’est que dans des conditions optimisées spécifiques, considérées en 2050, qu’il pourrait potentiellement jouer un rôle de solution de transition.
Facteurs Clés et Perspectives
- Règlementation : L’e-méthanol et l’e-ammoniac affichent une réduction d’environ 90 % des émissions selon la comptabilisation conforme à l’UE, mais environ 80 % lorsque les émissions liées aux infrastructures sont incluses, tout en respectant les seuils réglementaires.
- Région de production : Le mix électrique local influence fortement les émissions des e-carburants.
- Transport des carburants : Les longues distances augmentent les émissions, réduites avec l'utilisation des carburants alternatifs eux-mêmes comme source d'énergie de transport.
- Considérations : Le choix des carburants doit intégrer les émissions sur l'ensemble du cycle de vie et la faisabilité de leur adoption à grande échelle.