06.09.2023

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Le dihydrogène H2 est promis à un bel avenir dans le cadre de la transition énergétique. Mais il est cependant peu présent sur terre à l’état naturel. L’électrolyse de l’eau permet de produire du dihydrogène décarboné, à condition d’utiliser de l’électricité elle-même décarbonée. Dans le cadre du projet MoSHy, qui associe trois laboratoires de recherche dont IFPEN, plusieurs méthodologies sont développées, associant expérimentation et modélisation moléculaire, afin de définir des électrocatalyseurs performants tout en étant économes en ressources rares. Une voie prometteuse qui a retenu l’attention des chercheurs est l’utilisation des phases actives à base de sulfure de molybdène (MoS2) dans les électrocatalyseurs de type PEM (Proton Exchange Membrane), ce qui offre également une solution de reconversion possible pour ces ingrédients majeurs des catalyseurs de raffinage.  
 

A la recherche de l’hydrogène décarboné

Le dihydrogène H2 est une molécule incontournable pour des usages importants, comme par exemple la production d’engrais, et qui est aussi devenue essentielle pour la transition énergétique, notamment pour la mobilité lourde ou encore pour le stockage transitoire d’énergie. Quasi-inexistante à l’état naturel, cette molécule doit être produite à partir de ressources naturelles. L’électrolyse de l’eau est le seul procédé pour obtenir du dihydrogène totalement décarboné, à condition que l’électricité employée soit elle-même décarbonée. La technologie PEM (Figure 1) est actuellement l’une des technologies d’électrolyseur les plus efficaces pour s’adapter à l’intermittence de la production électrique par certaines énergies renouvelables en forte croissance, comme le solaire ou l’éolien. 

 

Electrolyseur PEM
Figure 1: Electrolyseur PEM (Proton Exchange Membrane)1  

1 Extrait de la fiche 3.2.1 de l’AFHYPAC

Malheureusement, elle utilise de grandes quantités de platine, un matériau cher et peu abondant. C’est pourquoi, si l’Europe veut atteindre son objectif de déployer 80 GW d’électrolyseurs d’ici 2030, il apparaît indispensable d’accélérer le développement d’électrocatalyseurs2  aussi performants que ceux à base de platine, mais pour lesquels la ressource n’est pas limitée et reste donc peu coûteuse.

 2  Catalyseurs de réactions électrochimiques
 

Un nouvel avenir pour les phases MoS2 ?

Il y a quelques d’années, les phases actives à base de sulfure de molybdène (MoS2), structures de base des catalyseurs d’hydrotraitement3 , sont apparues comme des candidates intéressantes pour remplacer le platine des électrocatalyseurs. C’est pourquoi en 2018, un consortium a été monté pour évaluer leur potentiel au travers du projet MoSHy (MoS2 for Hydrogen), financé par la région Auvergne Rhône-Alpes dans le cadre du « Pack Ambition Recherche ». Outre IFPEN, il rassemble le laboratoire de chimie de l’ENS Lyon, acteur-phare pour la modélisation atomistique, et le LEPMI de Grenoble, laboratoire spécialisé en électrochimie. En couplant des travaux expérimentaux et de modélisation moléculaire, ce projet visait à développer un électrocatalyseur économique et efficace pour la production d'hydrogène.

3 Procédé de traitement d'hydrocarbures par du dihydrogène visant à ôter certains éléments présents dans les fractions légères du pétrole (soufre, azote, poisons pour les catalyseurs)
 

La modélisation moléculaire, un outil prédictif ?

Les MoS2 présentent des performances électrochimiques prometteuses mais il est reconnu dans la littérature que le plan basal de leur structure cristalline est inactif. Une possible stratégie d’amélioration serait alors d’y augmenter le nombre de sites actifs et pour ce faire, d’évaluer l’impact d’un dopage par substitution4 (Figure 2). L’ENS a tout d’abord identifié 17 éléments abondants pour le remplacement partiel du molybdène et 5 éléments pour le remplacement partiel du soufre. Pour le criblage, l’équipe s’est intéressée aux compétitions d’adsorption entre les différents réactifs ainsi qu’à deux phénomènes susceptibles d'entraver la production d’hydrogène sur ces sites, à savoir la libération de sulfure d’hydrogène (H2S) et la tendance à la ségrégation/dispersion du dopant.

4 Consistant à incorporer dans le réseau cristallin du matériau initial des atomes d'un autre élément qui vont se substituer à certains atomes initiaux 

Criblage
Figure 2 : Principe schématique de la stratégie de criblage visant à rendre la surface des feuillets MoS2 active pour la production d'hydrogène. Les sites les plus prometteurs (surtension ~0.2 V) sont imagés à droite.

Les résultats montrent que la plupart des dopants criblés pourraient améliorer considérablement la production d’hydrogène [1]. Néanmoins, la plus grande partie d’entre eux s’avèrent instables d’une manière ou d’une autre et les systèmes prometteurs ne sont que très peu nombreux : ce sont ceux dopés par des éléments du groupe IV de la classification périodique (Ti, Zr, Hf) ou qui contiennent du phosphore P en remplacement du soufre. A la suite des résultats expérimentaux obtenus en électrolyse, les dopages les plus efficaces de ce point de vue ont fait l’objet d’un dépôt de brevet.

Des améliorations de formulation des phases actives MoS2 sont toujours à l’étude en vue de remplacer le platine dans les PEM et cette recherche expérimentale se poursuivra au travers d’un nouveau travail de thèse5 débutant à l’automne 2023.

5  Exploration de nano-architectures de sites actifs de MoS2 pour la réaction d’évolution d’hydrogène

Référence :
[1] How to dope the basal plane of 2H-MoS2 to boost the hydrogen evolution reaction? N. Abidi, A. Bonduelle-Skrzypczak, S. Steinmann, Electrochimica Acta 2023, 439, 141653. DOI:https://doi.org/10.26434/chemrxiv-2022-hqgjv
 

Contact Scientifique : Audrey BONDUELLE