25.11.2020

5 minutes de lecture

FacebookTwitterLinkedInImprimer

Les quantités de suies issues de la combustion d’une matière première dépendent pour une bonne part des conditions de formation des particules. Des travaux IFPEN ont établi un mécanisme réactionnel pour décrire une étape clé : la réaction de dimérisation. Une nouvelle méthodologie permet désormais de mieux prédire la genèse des particules de suie et d’en limiter les effets sanitaires et environnementaux.

Les suies, nocives pour la santé et l’environnement

Les suies sont des produits carbonés formés en raison de la combustion incomplète de la matière première, par exemple, dans les moteurs à combustion, les fours, ou lors d’incendies de forêt. Ces (nano)particules de suie ont un impact néfaste sur la santé humaine, car une fois inhalées, elles se déposent dans les voies respiratoires et y génèrent des troubles. Elles peuvent aussi adsorber à leur surface d’autres polluants et notamment des composés organiques volatils tout aussi néfastes. 

Dans ce contexte, les particules les plus petites sont les plus nocives car elles pénètrent plus activement dans le système respiratoire. Une autre conséquence préoccupante de ces suies dans l’atmosphère est leur influence négative sur le réchauffement climatique avec une contribution non négligeable au forçage radiatif. 

Mieux comprendre la formation des particules de suie 

La quantité de suies générée lors de la combustion et leur nanostructure (atomistique) dépendent grandement des conditions de leur formation. On sait par ailleurs que cette nanostructure influence à son tour la réactivité de la suie, notamment vis-à-vis de l’oxygène (combustion). Il est par conséquent important de mieux comprendre la manière dont se déroulent les premières étapes de la formation de ces particules. Une difficulté pour accéder à cette connaissance provient du fait que les informations requises s’inscrivent sur de larges échelles de temps et d’espace. 

C’est pourquoi un travail de thèse1 réalisé à IFPEN s’est spécifiquement intéressé à ce sujet [1], via une approche multi-échelle combinant des simulations cinétiques macroscopiques de combustion en phase gaz (représentative d’une chambre de combustion) avec des calculs atomistiques [2]. En faisant varier la température (de 1200 à 2000 K), la composition de l’hydrocarbure et le rapport hydrocarbure/oxygène, les calculs de combustion ont généré un total de 144 mélanges d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), offrant une grande diversité de configurations moléculaires (Figure 1). 
 

genèse particules de suie
Figure 1. Hydrocarbures aromatiques polycycliques considérés dans cette étude


Une réaction étudiée à la loupe : la dimérisation

A partir de ces mélanges calculés, des simulations moléculaires dynamiques ont été réalisées afin d’étudier une réaction considérée comme une étape clé dans la formation des précurseurs de suies : la dimérisation2 entre deux molécules HAP

Ces simulations ont montré dans un premier temps que l’augmentation de la température favorisait la réaction de dimérisation. Par la suite, les dimères produits ont pu être classés en trois familles principales (Figure 2) : les aromatiques directement liés (A), les péricondensés (B) et les aromatiques liés par une chaine alkyle (C)
 

particules dimères
Figure 2. Classification des familles de dimères.


En s’appuyant sur ces structures, les travaux ont établi un mécanisme réactionnel général décrivant leur formation et leur interconversion.(Figure 3). 
 

classification particules de suie
Figure 3. Mécanisme réactionnel pour les trois familles de dimères.


Les simulations à l’échelle atomique ont également montré que les mélanges riches en composés aliphatiques3 favorisaient la formation des structures de la famille (C) et/ou de dimères comportant des groupements aliphatiques latéraux.

Pour une nouvelle méthodologie de prédiction

Ces résultats alimentent désormais des codes numériques de combustion dans le but de mieux prédire la formation des précurseurs de suies en fonction des conditions opératoires, tout en intégrant l’impact de la composition chimique du combustible.

Grâce à ce travail, on dispose désormais d’une nouvelle méthodologie pour anticiper et agir sur la genèse des particules de suie dans des processus de combustion contrôlés, et ainsi limiter les effets sanitaires et environnementaux des équipements concernés.

1 Mené dans le cadre du projet de recherche fondamentale IPPAD, au sein du programme ITN-MSCA Horizon 2020.
Réaction chimique où deux molécules (presque) identiques se sont combinées.
Hydrocarbure acyclique.
 

Contact scientifique : Theo de Bruin


Références

[1] Development of a multi-scale approach using chemical kinetics and reactive force field molecular dynamics to model soot formation and oxidation, M. Keller, thèse doctorale, Institut Polytechnique de Paris, 2019.
  
[2] A Theoretical Multiscale Approach to Study the Initial Steps Involved in the Chemical Reactivity of Soot Precursors, M. Keller, T. de Bruin, M. Matrat, A. Nicolle, L. Catoire, Energy Fuels, 2019, 33 10255–10266. https://pubs.acs.org/doi/abs/10.1021/acs.energyfuels.9b02284