FacebookTwitterLinkedInImprimer

Selon l’OMS, 7 millions de décès prématurés par an dans le monde sont liés à la mauvaise qualité de l’air, problème auquel le transport routier contribue significativement. Grâce aux évolutions règlementaires et technologiques, ainsi qu’au renouvellement du parc automobile, les émissions de ce secteur sont certes en baisse ces dernières années. Toutefois celui-ci reste un fort contributeur à la dégradation de la qualité de l’air, avec par exemple 49 % des émissions de NOx en France en 2020 (dont la moitié pour les véhicules particuliers) et 13 % des émissions de PM2,5  (dont 1/3 pour les véhicules particuliers).

L’évaluation des solutions de remédiation mises en œuvre (technologies véhicules, infrastructures, usages) doit s’appuyer sur un diagnostic précis, exhaustif et fiable à la fois des sources (gaz bruts aux points d’émissions) et de la qualité de l’air qui en résulte (gaz dilués et génération de polluants secondaires). De plus, la qualité de l’air peut être très impactée par les conditions locales (confinement, météorologie, etc.) et par ailleurs les niveaux d’émissions des véhicules sont très sensibles à leurs conditions d’usages réels. Aussi est-il crucial de se doter d’outils pour évaluer ces dernières et leur incidence sur les émissions de polluants.
 
Dans ce cadre, l'approche proposée à IFPEN pour relier les émissions d’un véhicule aux conditions réelles de conduite couple :
  

  • une mesure sur route,
     
  • une modélisation à l’échelle des véhicules,
      
  • une collecte à grande échelle de données d’usage. 
     

Pour toute zone géographique d’intérêt (centre urbain, résidentiel, proche trafic, etc.), cette approche permet de quantifier la variabilité des émissions en usage réel en fonction du parc automobile et du comportement de conduite, afin d’envisager des solutions de remédiation adaptées.
   

Conception des systèmes de mesure

Des travaux de recherche se sont focalisés sur la spectroscopie dans le domaine de l’Ultra-Violet, aboutissant au système d’analyse multi-gaz ELEMENTS [1,2], qui permet, entre autres, de mesurer les oxydes d’azote (NOx), et dont les développements actuels visent à en faire aussi un outil de quantification des particules fines.

Le développement de l’algorithme chimiométrique a nécessité la mise en place d’une plateforme de tests numériques afin de simplifier la phase de calibration.

L’outil développé permet de créer des spectres composites associant des informations issues de la littérature (spectres de référence) et le bruit et les défauts du système optique réel (source de lumière, spectroscope, chemin optique). Cela a abouti à l’élargissement des composés mesurables : indicateurs de combustion (O2, H2O)2 et certains polluants industriels (H2S, Cl2, Benzène, Toluène), en complément du panel de gaz déjà caractérisés (NO, NO2, NH3, SO2).

Des travaux de thèse [3] ont également validé la faisabilité d’exploiter les propriétés de diffusion des particules de combustion dans l’Ultra-Violet en fonction de leurs propriétés physiques et chimiques. 
  

Déploiement des mesures sur le terrain

Pour mesurer les émissions au cœur du trafic routier, l’analyseur ELEMENTS a été intégré dans le système de mesure embarquée « RealE » (voir figure 1) [2, 4].

Cet outil a servi à évaluer les performances environnementales des véhicules particuliers dans le cadre d’une étude pour les Pouvoirs publics. Elle a permis de fournir des données objectives concernant les émissions réelles de véhicules satisfaisant les dernières normes d’émissions (Euro 6) tout en s’intéressant, qui plus est, à certains composés non encore règlementés (Euro7) [5]. 

L’analyseur RealE est également au cœur de plusieurs études :
  

  • pour l’Ademe, l’objectif étant d’évaluer le potentiel de la mesure embarquée pour une surveillance accrue des performances du parc automobile [6],
     
  • dans le cadre du projet européen LENS, consacré à l’évaluation et à la réduction des émissions des 2-roues [7].
        
Figure 1 Figure 3b

Figure 1 : illustrations du système d’analyse embarqué RealE

 

Cliquer sur l'image pour l'agrandir

Figure 4

Ces études en conditions réelles ont été précédées par des campagnes extensives en laboratoire, par exemple dans le cadre des études RHAPSODIE 1 et 23, lesquelles avaient permis de dresser un bilan étendu des émissions de véhicules, règlementées et non règlementées, gazeuses et particulaires4, ainsi que de déterminer l’impact de biocarburants introduits à différents taux [8].
  

Extension aux parcs de véhicules et aux territoires

En forte synergie avec la direction « Sciences et Technologies du Numérique » d’IFPEN, des travaux de recherche engagés au sein de la direction « Mobilité et Systèmes » sont menés pour modéliser les émissions du transport routier dans des conditions variées d’usages réels, et en tirer des simulations non plus pour un véhicule donné mais à l’échelle du parc automobile, sur un territoire regroupant une multitude de technologies moteur et de cas d’usage.

Cette démarche a notamment été déployée pour évaluer la pertinence de différents niveaux d’électrification pour la décarbonation des véhicules particuliers [9, 10].
  

Développement de solutions de remédiation

Pour limiter les polluants à la source, des travaux sont menés avec la direction « Catalyse, Biocatalyse et Séparation » d’IFPEN, afin de trouver des solutions de traitement innovantes. Ainsi, des adsorbants de NOx de forte capacité, à base de zéolithes, ont été mis au point [11].

Par rapport à l’état de l’art, les zéolithes développées peuvent aussi être utilisées en réduction sélective à l’ammoniac (NH3-SCR), apportant ainsi un gain sur la température d’amorçage de la réaction et en stabilité hydrothermale du catalyseur [12].

 

1- Particules dont le diamètre est ≤ 2,5 µm.
2- Mesurés dans les produits de combustion pour suivre la richesse du mélange, et également pour passer d'une mesure sèche à une mesure humide.
3- Menées dans le cadre d’appels à projets ADEME CORTEA (Connaissance et réduction des émissions de polluants dans l'air).
4- 150 composés étudiés, ainsi qu’une mesure du nombre de particules.

 


Références bibliographiques

  1. Procédé et système de mesure optique de la concentration d'espèces gazeuses de gaz d'échappement
    >> Brevet WO2019020326
      

  2. Schiffmann, P., Kermani, J., Dégeilh, P., Frobert, A., Agouzoul,Y., Robust and Affordable IoT Solution for In-service Conformity Testing, SAE Technical Paper 2020-01-2187, 2020.
    >> https://doi.org/10.4271/2020-01-2187
      

  3. Mouad DAOUDI, Développement de diagnostics optiques et chimiques pour caractériser et contrôler les émissions particulaires et gazeuses des systèmes de combustion (Development of optical and chemical diagnostics to characterize and control particulate and gaseous emissions from combustion systems), thèse soutenue le 07/12/2022.
    >> https://www.theses.fr/2022ULILR062
       

  4. Schiffmann P., Frobert A. and Agouzoul Y., REAL-e a compact measurement system for regulated and unregulated emissions, SIA Congress, 2020 
      

  5. Philippe Dégeilh, Joseph Kermani, Jules Sery, Pierre Michel. Study of Euro 6d-TEMP emissions - IFPEN for DGEC: Summary report. [Research Report] Ministère de l'Ecologie. 2020. ⟨hal-03632915⟩
    >> https://hal-lara.archives-ouvertes.fr/hal-03632915/
      

  6. Projet SESAME
    >> https://librairie.ademe.fr/air-et-bruit/5736-projet-sesame.html
      

  7. Projet européen LENS
    >> https://www.lens-horizoneurope.eu/
      

  8. Projet RHAPSODIE 2
    >> https://librairie.ademe.fr/air-et-bruit/6032-projet-rhapsodie-2.html
       

  9. Roland Dauphin, Vivien Prevost, Philippe Dégeilh, Joris Melgar, Corrado Fittavolini, Alastair Smith, Cyrille Callu, Sofia Chrysafi, Renate Uitz-Choi, Kenneth Kar, Evaluation of plug-in hybrid vehicles in real-world conditions by simulation, Transportation Research Part D: Transport and Environment, Volume 119, 2023, 103721, ISSN 1361-9209
    >> https://doi.org/10.1016/j.trd.2023.103721
      

  10. Concawe – Welcome to the cars CO2 comparator!
    >> https://www.carsco2comparator.eu
      

  11. Synthèse d'un catalyseur à base de zéolithe AFX contenant du palladium pour l'adsorption des NOx
    >> Brevet WO2022243164
    Synthèse d'un catalyseur composite à base de zéolithe AFX-BEA contenant du palladium pour l'adsorption des Nox
    >> Brevet WO2022243165
       

  12. Synthèse rapide d'un catalyseur comprenant une zéolithe de type structural AFX et au moins un métal de transition pour la réduction sélective de NOx
    >> Brevet WO2020212354
     

Contact scientifique : philippe.degeilh@ifpen.fr

>> NUMÉRO 52 DE SCIENCE@IFPEN