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Thèse d'Erwan Jézéquel : « Simulations de sillages d'éoliennes en conditions atmosphériques réelles : des simulations aux grandes échelles aux modèles analytiques  » 

Dans la zone de sillage située derrière chaque éolienne, la vitesse du vent est réduite et la turbulence est augmentée. Il en résulte une réduction de la durée de vie des machines situées en aval ainsi qu’une baisse de la production électrique globale des parcs éoliens.

Pour limiter ces effets et permettre d’optimiser l’implantation des éoliennes dans les parcs, des modèles analytiques de sillages existent dans la littérature mais ils intègrent de nombreuses hypothèses simplificatrices concernant les éoliennes et leur environnement. En particulier, le méandrement1, schématisé à la figure 1, n’est souvent pas explicitement pris en compte dans les modèles d’écoulement stationnaires et on suppose juste qu’il contribue à l’évolution du sillage de la même manière que de la diffusion. Pourtant, ces oscillations modifient de manière très différente la forme et l’évolution des profils de vitesse et de turbulence. C’est ainsi qu’à cause du méandrement, une éolienne en aval peut se retrouver alternativement à l’intérieur et à l’extérieur d’un sillage émis en amont. Son déficit de vitesse sera moindre que calculé par les modèles stationnaires. En revanche, la turbulence réellement subie, et donc la sollicitation en fatigue, sera supérieure.

Figure 1
Figure 1 : illustration de l’effet de méandrement du sillage instationnaire sur un cas simulé dans le cadre de la thèse.
Bleu : basses vitesses
Rouge : hautes vitesses
Distances adimensionnées par le diamètre de l’éolienne.

 
Le méandrement est causé par les grands tourbillons de l’atmosphère et est directement lié à l’état de la couche limite atmosphérique2 (CLA). L’instabilité de la CLA augmente avec l’importance des phénomènes thermiques ou mécaniques, ayant une conséquence directe sur l’accroissement du méandrement.

Pour simuler directement l’effet de la CLA sur le méandrement (profils de vent et turbulence), on a le recours à un code numérique (Meso-NH) développé par le Centre National de Recherches Météorologique et le Laboratoire d’Aérologie. Ce code à haute-fidélité, basé sur les équations de Navier-Stokes, a été spécifiquement créé pour modéliser les phénomènes au sein de la CLA et ses résultats ont donc pu nous servir de référence. Nous avons ainsi pu simuler de manière fiable le sillage d’une éolienne seule dans un cas stable, instable ou intermédiaire. Cela nous a permis de démontrer des résultats communément admis de la littérature tout en explicitant certaines hypothèses sous-jacentes qui sont rarement détaillées [1].

Les résultats obtenus ont tout d’abord confirmé que la forme du profil de turbulence dans le sillage d’une éolienne est influencée par le méandrement et que, par rapport à une situation neutre, l’instabilité de la CLA fait rapidement évoluer le profil d’une forme bimodale vers une forme unimodale.

Ils ont ensuite débouché sur la proposition d’un nouveau modèle analytique pour décrire la turbulence dans le sillage d’une éolienne en tenant compte du méandrement [2]. Il s’agit du premier modèle analytique basé sur la physique et non sur une approche entièrement empirique pour prédire un profil de turbulence ajoutée.

La figure 2 illustre le fait que le modèle analytique élaboré au cours de ce travail (en bleu) permet de bien retrouver les différents profils simulés avec Meso-NH, contrairement aux modèles de la littérature (exemple en rouge), lesquels prédisent systématiquement une forme bimodale car calibrés sur des cas neutres.
 

Figure 2
Figure 2 : Profils horizontaux (haut) et verticaux (bas) de la turbulence à trois positions derrière l’éolienne (distance x normalisée par rapport au diamètre D de la machine).
Noir : Meso-NH
Rouge : modèle analytique de la littérature
Bleu : modèle analytique proposé

Pour poursuivre ces travaux, une calibration du modèle va être proposée, basée sur d’autres simulations haute-fidélités de Meso-NH. Cela permettra de prédire de manière précise les profils de turbulence en fonction des conditions atmosphériques tout en gardant des coûts de calculs extrêmement réduits. 
 

1-  Forme oscillante des sillages.
2-  Partie la plus basse de l’atmosphère, au contact de la surface planétaire, et dont le comportement est directement influencé par le frottement avec cette dernière.
  


Références bibliographiques

  1. Erwan Jézéquel, Frédéric Blondel, Valéry Masson 2022. Breakdown of the velocity and turbulence in the wake of a wind turbine – Part 1: large eddy simulations study, Wind Energy Science, 2022-46.
    >> https://doi.org/10.5194/wes-2022-46
       

  2. Erwan Jézéquel, Frédéric Blondel, Valéry Masson 2022. Breakdown of the velocity and turbulence in the wake of a wind turbine – Part 2: analytical modeling, Wind Energy Science, 2022-47.
    >> https://doi.org/10.5194/wes-2022-47
     

Contact scientifique : erwan.jezequel@ifpen.fr 

>> NUMÉRO 53 DE SCIENCE@IFPEN