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Les biocarburants sont une composante de la transition vers les énergies renouvelables, et une voie efficace de décarbonation des transports. Ils sont toutefois produits à partir de charges dont la composition peut affecter les matériaux des équipements employés pour leur transformation. C’est ainsi que, par exemple, le procédé d’hydrotraitement des huiles végétales et des graisses animales engendre une exposition à des concentrations élevées de composés oxygénés, naturellement présents dans la charge initiale ou provenant de leur transformation, et qui peuvent réagir avec les matériaux métalliques. La présence d’acides gras libres à des teneurs parfois importantes est un autre facteur de risque pour la corrosion.

Un travail de thèse a été consacré à l’étude de ce phénomène susceptible d’affecter la fiabilité des installations . Pour cela, une méthodologie d’évaluation de la corrosion a été développée dans des conditions représentatives du procédé : de pression (jusqu’à 80 bar en présence d’hydrogène) et de température (jusqu’à 350°C), tout en mettant en œuvre un renouvellement de la charge . Des analyses pratiquées sur les matériaux et sur la charge, à l’issue de ces essais d’exposition, ont permis de quantifier la corrosion et de proposer des mécanismes à l’œuvre.

On peut citer quelques résultats significatifs quant à l’ampleur du phénomène pour différents grades d’acier :
  

  • à 220°C, des vitesses de corrosion généralisée supérieures à 1 mm/an ont été observées sur les aciers au carbone et faiblement alliés dans le cas de charges hautement acides (TAN > 16)  ;
      
  • dans une plage comprise entre 100 et 290°C, la cinétique de corrosion des aciers au carbone et faiblement alliés, suit une relation de type loi d'Arrhenius pour la vitesse de corrosion (Figure 1), et elle évolue linéairement avec le TAN (Figure 2) ;
      
  • dans les distillats d’acides gras (TAN=200), les risques de corrosion imposent d’utiliser des nuances inoxydables alliées au molybdène, comme le 316L ou le 317L . 

Figure 1
Figure 1 : Influence de la température sur la vitesse de corrosion de l’acier au carbone AISI 1018 et faiblement allié A387 Gr11 lors d’essais d’immersion dans du DTO  (TAN=192).

 

Figure 2
Figure 2 : Influence du TAN sur la vitesse de corrosion de l’acier au carbone AISI 1018 lors d’essais d’immersion à 220°C (mélange d’huile de colza et d’acide oléique).

Grâce à l’utilisation de plusieurs techniques d’analyse complémentaires (titrage potentiométrique, spectroscopie infrarouge, distillation simulée), le mécanisme de corrosion a pu être identifié. La consommation des acides gras libres avec un rapport de 2 mol de fonction acide pour 1 mol de fer dissous est mise en évidence par la diminution de la bande d’absorption caractéristique de la bande de vibration de la liaison C=O à 1711 cm-1, caractéristique de l’acide oléique (Figure 3). Par ailleurs, un nouveau massif d’absorption IR est observé dans la région 1567 – 1605 cm-1, caractéristiques des vibrations de la fonction carboxylate impliquée dans la formation de complexes organométalliques. Ces résultats prouvent que la corrosion de l’acier dans ces environnements est favorisée par la formation de complexes [1-2].

Figure 3
Figure 3 : Spectre infrarouge d’une huile végétale acide avant et après test de corrosion.

Les méthodes et connaissances développées au cours de ce travail de thèse sont désormais mises à profit pour les nombreux développements de procédés industriels de transformation de la biomasse, mais aussi pour des procédés en co-processing5. Pour le design de nouvelles unités industrielles, elles permettent de choisir les matériaux de construction d’une manière plus sûre et, pour les changements d’usages d’unités existantes, elles offrent des outils pour définir les limites d’usage des charges les plus corrosives. 

 

1- [1] Thèse de F. Andari, Impact of biomass composition on corrosion: case of the hydrotreatment of vegetable oils and waste oils to produce biofuels, Thèse de doctorat, Université Lyon 1, 2022.
2- Renouvellement partiel de la charge en mode semi-batch, sans ouverture du réacteur d’essai ni baisse de la température.
3- Le TAN (Total Acid Number) est la mesure d'acidité totale d'une huile, exprimée en milligrammes d'hydroxyde de potassium nécessaires pour neutraliser un gramme d’huile (mg KOH/g huile).
4- Distilled Tall Oil.
5- Traitement d’une charge composée d’un mélange d’hydrocarbures conventionnels et d’une ressource alternative (huile bio-sourcée, déchets plastiques pyrolysés, etc.).
        


Références :

  1. Andari, J. Kittel, J. Fernandes, N. Godin, B. Ter-Ovanessian, F. Ropital, High temperature corrosion in various grades of vegetable and waste oils used for bio-fuel production, Corrosion Science, 2022, Vol 206, Article 110501
    >> https://doi.org/10.1016/j.corsci.2022.110501
      

  2. F. Andari, J. Kittel, J. Fernandes, L. Dodelin, F. Ropital, Corrosion issues in the conversion of vegetable and waste oils to produce biofuels, NACE/AMPP 2023 Conference paper 19308
    >> https://onepetro.org/amppcorr/proceedings-abstract/AMPP23/All-AMPP23/AMPP-2023-19308/527014
        

Contacts scientifiques : Jean Kittel, joanna.fernandes@ifpen.fr et François Ropital

>> NUMÉRO 54 DE SCIENCE@IFPEN