07.09.2023

5 minutes de lecture

FacebookTwitterLinkedInImprimer

Qu’appelle-t-on e-fuels, quelles molécules se cachent derrière ce mot, comment sont-elles synthétisées, pour quels usages et avec quels avantages et contraintes ? Une note de synthèse* et une émission en ligne répondent aux questions liées aux propriétés et usages des e-fuels.

En vidéo : l'avenir des carburants de synthèse

Les électro-carburants : note de synthèse*

*La note est le fruit des travaux du comité Hydrogène et Industrie d’EVOLEN, notamment des membres de son groupe de travail dédié aux « e-fuels et molécules de synthèse ».

Accéder à l’intégralité de la note de synthèse


Les carburants de synthèse ou électro-carburants, dits « e-fuels », sont produits à partir d’électricité renouvelable ou bas-carbone, de dioxyde de carbone ou d’azote dans le cas de l’e-ammoniac, et d’hydrogène issu d’électrolyse. Sous forme liquide ou à l’état gazeux, leur émergence aux côtés des biocarburants issus de la biomasse, offre une solution alternative pertinente pour défossiliser le transport et l’industrie, sans créer de conflits d’usage avec les produits agricoles, et permettre ainsi une réduction de l’impact climatique de ces activités. 

De quelles molécules parle-t-on ? Comment ces molécules sont-elles produites et pour quels usages ? Quels sont les avantages et les contraintes de ces molécules ? Quels volumes de production sont à anticiper et quels sont les freins à leur développement ? Autant de questions auxquelles cette note de synthèse tente de répondre, avec l’ambition de fournir au plus grand nombre des définitions et des éclairages sur les e-fuels et sur leur déploiement à venir. 

Le document se focalise sur l’usage des e-fuels en tant que carburants de synthèse pour la mobilité, et se concentre sur quatre e-fuels : e-méthane, e-méthanol, la famille des e-carburants paraffiniques comprenant notamment e-essence, e-gazole et e-kérosène, puis l’e-ammoniac.
 

Les e-fuels comme carburants alternatifs 

L’électrolyse de l’eau permet de transformer l’électricité renouvelable ou bas carbone en une molécule, l’hydrogène, plus facile à transporter, à stocker et à distribuer que l’électricité. En dehors des usages traditionnels réservés à l’industrie et à la chimie des engrais, l’hydrogène peut être utilisé dans la mobilité pour alimenter un moteur électrique par l’intermédiaire d’une pile à combustible, ou directement comme carburant dans un moteur thermique. 
L’hydrogène, gazeux à pression atmosphérique, possède une forte densité énergétique massique, mais une très faible densité énergétique par unité de volume ; de ce fait, pour être stocké dans des réservoirs de taille raisonnable, il doit être comprimé à très haute pression, entre 300 et 700 bars, ou bien liquéfié à -252°C, ce qui requiert dans les deux cas d’importantes consommations énergétiques, et les équipements embarqués sont soumis à des défis techniques et technologiques importants. 

Une autre voie à l’utilisation de l’hydrogène renouvelable ou bas carbone est sa conversion en carburants de synthèse, ou e-fuels, par réaction avec du CO2 ou avec de l’azote. Ces carburants, parfois gazeux comme le e-méthane dans des conditions ambiantes, mais généralement liquides, sont plus faciles à transporter, à stocker et à utiliser que l’hydrogène ; ils représentent une voie d’avenir très prometteuse pour le transport aérien et maritime, où l’hydrogène pur apparait difficile à mettre en œuvre sur de longues distances pour les raisons évoquées plus haut, ainsi que pour une partie du transport fluvial et routier.
 

Voies de synthèse des e-fuels
Principales voies de synthèse des e-fuels


Quels e-fuels pour quels usages ?

e-methane

Le e-méthane

Sous sa forme liquide, le e-méthane présente l’avantage majeur de pouvoir être incorporé au GNL (gaz naturel liquéfié) et ainsi de bénéficier des infrastructures existantes et des règlementations en vigueur. Sous sa forme gazeuse, il peut couvrir les usages traditionnels du gaz naturel (chauffage, électricité) et être utilisé dans le transport routier (GNV) et maritime. 

 

e-methanol

Le e-méthanol

Le e-méthanol, dont la production est déjà industrialisée dans de faibles proportions, notamment pour l’industrie chimique, est un carburant prometteur pour le monde maritime. Il est connu des industriels, dense en énergie et liquide à température ambiante. Facilement incorporable dans l’essence pour les motorisations automobiles existantes, et utilisé dans les moteurs « dual fuel » pour le maritime, le e-méthanol permet également un déploiement rapide. Il vise également à décarboner la production de produits chimiques (formaldéhyde, l’acide acétique, etc.) et d’oléfines (éthylène, propylène). Le méthanol présente toutefois un certain niveau de toxicité qui nécessite des précautions particulières lors de son utilisation comme carburant. 

 

e-carburants

Les e-carburants paraffiniques

Avec leurs propriétés proches de leurs équivalents fossiles, l'utilisation des e-carburants paraffiniques dans les transports routier, maritime ou aérien est donc envisageable. 
- Le e-gazole est destiné en particulier au transport routier. Avec des propriétés comparables voire supérieures à celles du gazole conventionnel, il peut être utilisé pur ou en mélange dans le gazole commercial. 
- Le e-kérosène est destiné au transport aérien. Il fait partie des carburants durables pour l’aviation ou SAF (Sustainable Aviation Fuels). 
 

e-amoniac

Le e-ammoniac

Le e-ammoniac est un carburant étudié avec attention par le transport maritime, car c’est un carburant de synthèse économique et simple à produire ; c’est également le seul qui ne soit pas carboné. Cependant sa forte toxicité et les dangers qu’il représente pour l’environnement restent un obstacle à son déploiement massif comme carburant, en particulier dans des endroits confinés comme les navires. Des efforts de R&D sont encore nécessaire pour une exploitation sûre dans ce type d’environnement. Le e-ammoniac vise également à décarboner la production de produits chimiques (engrais, explosifs).
 

Pour aller plus loin consultez la note de synthèse :

Note des synthèse e-fuel


La décarbonation des procédés et la production de carburants de synthèse au cœur des travaux d’IFPEN

Pilote fisher-tropsch
Pilote Fischer-Tropsch sur la raffinerie ENI de Sannazzaro

Les équipes d’IFPEN participent au déploiement de procédés décarbonés par le biais de l’utilisation d’hydrogène décarboné, d’électricité et de biomasse, et par la valorisation du CO2.
 
La conversion de la biomasse ou du gaz naturel en carburants liquides de synthèse s’effectue notamment par le biais du procédé Fischer-Tropsch. Si cette technologie remonte au milieu du siècle dernier, tout l’enjeu des travaux menés par IFPEN consiste à améliorer son rendement, ses coûts de production et son empreinte environnementale.
 
Après plus de 15 ans de recherches en partenariat avec ENI, IFPEN a mis au point un nouveau procédé Fischer-Tropsch commercialisé par Axens sous le nom de Gasel®. Reposant sur une synthèse Fischer-Tropsch et un upgrading, il se caractérise par un haut niveau de productivité et par l’absence de soufre, d'azote et de composés aromatiques dans le carburant de synthèse obtenu, ce qui améliore les performances environnementales des véhicules, notamment sur les particules de tailles inférieures à 23 nm.

Depuis juillet 2021, la proposition de réglementation de la Commission Européenne du package Fit for 55 dite « ReFuelEU Aviation » propose une incorporation minimum de 5 % d’e-fuel dans les carburants d’aviation en 2035 et de 28 % en 2050. Pour respecter ces ambitions, il est nécessaire de disposer de procédés fiables et capables de fortes capacités. Aussi, afin d’accompagner l’émergence du marché des e-fuels, IFPEN a lancé avec Axens le développement d’une technologie permettant la production de CO à partir de CO2 et d’H2 (réaction dite de Reverse Water Gas Shift).

Le développement de la brique amont Reverse Water Gas Shift et du captage de CO2, par exemple sur émetteurs industriels via le procédé DMX™, permettra de compléter cette technologie pour disposer d’une chaîne complète depuis le captage du CO2 jusqu’à la production de carburants de synthèse.