A retenir
L’hydrogène naturel pourrait devenir un pilier de la transition énergétique. Toutefois, pour libérer tout son potentiel, il est nécessaire de surmonter les défis réglementaires et financiers, et de renforcer la collaboration entre acteurs publics, privés et académiques. L’avenir de cette ressource dépendra de la mobilisation des efforts scientifiques et financiers à l’échelle nationale et internationale.
Jean-Claude Leconte, représentant du Bureau des ressources énergétiques de la DGEC
Jean-Claude Leconte a présenté les missions du Bureau des ressources énergétiques de la DGEC qu’il représente. Celles-ci incluent la délivrance des permis d'exploration et de concessions pour diverses ressources énergétiques telles que les hydrocarbures, la géothermie et l'hydrogène naturel.
L’hydrogène naturel : un domaine prometteur
L'hydrogène naturel représente un secteur en plein essor. Il y a quinze ans, certains scientifiques doutaient de son existence, mais aujourd’hui, des émanations ont été détectées en de nombreux points du globe, confirmant sa présence. Des recherches sont encore nécessaires pour mieux comprendre les processus de génération de cet hydrogène.
Évaluation du potentiel de l’hydrogène naturel
Au niveau national, le bureau des ressources énergétiques évalue le potentiel de l’hydrogène naturel, tant en métropole qu'en outre-mer. Un rapport, coordonné par l’IFPEN et impliquant l’écosystème académique, sera publié en janvier. Ce rapport a pour objectif de clarifier le potentiel réel de l’hydrogène naturel en France et de définir les moyens nécessaires pour caractériser cette ressource, essentielle pour son exploitation.
Structuration de l’écosystème français autour de l’hydrogène naturel
Une réflexion est en cours pour structurer un écosystème national autour de l’hydrogène naturel. Cette initiative inclut les opérateurs et start-ups ayant déposé des demandes de permis. À ce jour, huit demandes ont été déposées, dont une a déjà été attribuée, et deux autres devraient l’être au début de l'année prochaine. Un workshop a également été organisé pour préparer une feuille de route sur l'exploration et l’exploitation de cette ressource.
Le processus administratif pour l’obtention des permis
Le processus administratif, complexe, pour obtenir un permis d’exploration, peut durer jusqu'à 18 mois. Ce processus inclut plusieurs étapes :
• Examen des capacités techniques et financières des pétitionnaires
• Mise en concurrence
• Enquête publique
• Évaluation des impacts environnementaux
Après ces étapes, le dossier est soumis à un comité consultatif et à une autorité environnementale avant d’être signé par le ministre. Ce processus rigoureux garantit que l’exploration se déroule dans des conditions optimales de sécurité et d’acceptation publique.
Soutien aux start-ups et à l’intégration de l’hydrogène naturel dans le mix énergétique
Enfin, le Bureau des ressources énergétiques soutient activement les start-ups pour favoriser la caractérisation de l’hydrogène naturel. L’objectif est d’intégrer cette ressource dans le mix énergétique français, tout en veillant à son acceptabilité sociale.
Olivier Loth, directeur de projets hydrogène, Storengy
Exploration de l’hydrogène naturel : une opportunité pour la transition énergétique
Engie s'engage pleinement dans la transition énergétique en explorant des solutions innovantes autour des gaz verts et de l’hydrogène bas carbone. Bien que l’hydrogène vert, issu de l’électrolyse, reste au cœur des efforts, Engie s'intéresse également à l’hydrogène naturel, une ressource prometteuse.
Les atouts de l’hydrogène naturel
- Un faible impact environnemental : Cette ressource génère peu d’émissions de gaz à effet de serre, n’exige pas d'importantes ressources en eau ou en matériaux critiques et nécessite peu d’espace foncier.
- Un coût compétitif : Grâce à des techniques issues de l'industrie pétrolière, le coût de production pourrait varier entre 0,5 et 2 euros par kilogramme, rendant cette ressource très attractive pour structurer une économie de l’hydrogène.
Engie : pionnier dans l’hydrogène naturel
Depuis 2016-2017, Engie travaille sur ce sujet selon deux axes :
• La R&D : Comprendre les mécanismes de génération et d’accumulation d’hydrogène naturel tout en développant des outils de détection plus performants.
• Les projets opérationnels : Des permis d’exploration ont été déposés en France (Pyrénées et Landes) et des recherches sont en cours au Maroc et au Brésil. Ces projets ont mis en évidence des indices prometteurs et permis de développer des outils spécifiques pour mesurer les émanations.
Défis à surmonter
Malgré son potentiel, plusieurs obstacles freinent le développement :
• Un cadre réglementaire complexe : Si la France reconnaît l’hydrogène naturel comme une ressource minière, l’attribution des permis reste lente. Au Brésil, ce n'est que récemment qu’il a été intégré au code minier.
• Un manque de soutien financier : Les start-ups pionnières manquent de fonds, tandis que les grandes entreprises hésitent face aux risques élevés.
Pour accélérer, Olivier Loth souligne l’importance de mécanismes d’appui financiers, d’une meilleure accessibilité des données géologiques et de la collaboration entre acteurs publics et privés. L’hydrogène naturel pourrait devenir une pierre angulaire de la transition énergétique mondiale.
Christophe Hecker, président de NaturalHy
L’hydrogène naturel : un game changer pour l’énergie propre
L’hydrogène est un marché mondial existant, pesant 200 milliards d’euros par an, mais dominé par des procédés manufacturés coûteux et polluants :
• L’hydrogène gris et bleu, issu du gaz naturel, présente un fort impact environnemental.
• L’hydrogène vert, produit par électrolyse de l’eau, reste cher : entre 4 et 6 euros/kg, même dans des conditions optimales.
En revanche, l’hydrogène naturel, ou blanc, est une énergie non manufacturée, propre et compétitive. Avec un coût de production estimé entre 0,5 et 1,5 euro/kg, il rivalise avec les énergies fossiles tout en offrant une solution durable.
Une dynamique mondiale en marche
À l’échelle internationale, une cinquantaine de projets explorent l’hydrogène naturel, notamment aux États-Unis et en Australie. Des entreprises comme Koloma, soutenues par des investisseurs de renom (Bill Gates, Jeff Bezos, Mitsubishi), montrent une forte appétence pour ce secteur.
En Europe, bien que des avancées existent, la dynamique est freinée par des obstacles financiers et industriels.
La France : un potentiel à révéler
- La France bénéficie d’une excellence académique reconnue grâce à des experts comme Isabelle Moretti et Alain Prinzhofer, mais elle reste en retrait sur le plan industriel et financier. Pour pallier ce retard, NaturalHy agit sur deux fronts :
Levées de fonds : Accompagner des entreprises comme TBH2, qui a obtenu le premier permis de recherche en France. - Création d’un fonds dédié : Structurer un fonds d’investissement de 100 millions d’euros pour financer les projets exploratoires, cruciaux pour structurer cette filière.
Défis et priorités
La filière doit surmonter plusieurs obstacles :
• Une image parfois négative de l’exploitation du sous-sol.
• Un manque de soutien politique clair et de financements institutionnels.
Avec une stratégie ambitieuse et des soutiens renforcés, l’hydrogène naturel pourrait s’imposer comme un pilier de la transition énergétique.
Yannick Peysson, responsable de programmes à IFPEN
L’intérêt pour l’hydrogène naturel s’accroît. C’est un domaine où recherche scientifique et développement industriel se croisent. Dès 2008, sous l’impulsion de chercheurs comme Éric Deville et Alain Prinzhofer, IFPEN a exploré l’existence de cette ressource sur les continents. Ces travaux pionniers ont établi une expertise solide et confirmé l’existence de l’hydrogène naturel dans le sous-sol.
Avancées scientifiques majeures
• Confirmation de l’existence de l’hydrogène naturel dans des régions comme Oman, La Nouvelle Calédonie, Djibouti ou les États-Unis.
• Identification des mécanismes de formation.
• Détection de géologies propices à son accumulation.
Ces travaux ont ouvert la voie à des projets d’exploration et au dépôt des premiers permis.
Défis scientifiques
Malgré ces progrès, plusieurs inconnues subsistent :
- Comprendre les mécanismes de formation et leur capacité à réalimenter des réservoirs.
- Étudier la migration de l’hydrogène, son interaction avec son environnement et son éventuelle consommation par des micro-organismes
- Affiner les modèles numériques pour simuler les processus de formation, migration et accumulation.
Un rapport clé à venir
Mandaté par la DGEC, IFPEN coordonne un rapport impliquant une quinzaine d’experts pour dresser un état des lieux des connaissances, analyser les projets mondiaux et évaluer le potentiel français en métropole et en outre-mer. Ce document sera publié en janvier.
Collaborations et financements
Le développement de cette filière repose sur des collaborations étroites entre plusieurs partenaires comme par exemple Engie, l’UPPA et le CNRS. Cependant, des financements spécifiques, tant nationaux qu’européens, sont indispensables pour accélérer les recherches.
L’hydrogène naturel pourrait devenir un pilier de la transition énergétique si ces efforts scientifiques et financiers se conjuguent efficacement.