03.04.2025
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E-carburants : enjeux et opportunités
Focus n°5
Production carburants de synthèse : les technologies de rupture
Si le besoin en carburants de synthèse impose de développer les premières filières de production de e-carburants dès 2030, en utilisant le CO2, l’hydrogène et l’électricité bas-carbone [voir focus n°3], des voies de production en rupture font également l’objet de nombreux efforts de recherche. Ces voies n’ayant pas toutes recours à l’énergie électrique, le terme de « carburants de synthèse » est plus adapté que celui de « e-carburants », qui ne définit qu’une partie des premiers. Ces voies innovantes visent à adresser plusieurs enjeux pour maximiser le rendement énergétique de la chaîne de production des carburants de synthèse et abaisser leurs coûts, par exemple :
- convertir le CO2 directement en utilisant l’énergie solaire et l’électricité bas-carbone ;
- convertir sélectivement le CO2 vers des molécules complexes comme les hydrocarbures, les alcools (méthanol, éthanol, …) et les alcènes (éthylène, propylène, …) ;
- contracter les chaînes de valeur dans des dispositifs intégrés.
Pour relever ces défis, des approches physico-chimiques, biologiques ou encore hybrides sont explorées dans les laboratoires de recherche. Les technologies de rupture résultantes sont aujourd’hui à des niveaux de maturité faibles, avec des TRL inférieurs ou égaux à 4 pour les plus avancées.
La conversion directe du CO2 nécessite de développer l’électrolyse du CO2 en utilisant directement l’électricité pour le transformer en molécules d’intérêt. Combinés à un procédé de captage, les procédés électrocatalytiques de conversion directe du CO2 donnent accès à différents produits, avec en premier lieu la production de monoxyde de carbone (CO), de gaz de synthèse (CO+H2) et d’acide formique (HCOOH), utiles comme intermédiaires dans les secteurs de la chimie et des carburants. Une autre stratégie ambitionne de produire des carburants de synthèse à partir du flux solaire, de CO2 et d’eau. En utilisant des organismes photosynthétiques, il est en effet possible de produire des huiles et autres (bio)molécules, par exemple grâce à l’étude, l’ingénierie et la culture d’organismes comme les micro-algues ou les cyanobactéries. Ces approches biologiques inspirent également l’élaboration de dispositifs photo(électro)catalytiques, capables de mimer les mécanismes de la photosynthèse de façon artificielle pour produire des « carburants solaires » à travers des approches physico-chimiques. Enfin, encore plus amont, l’activation du CO2 par des rayons ionisants et des plasmas est également à l’étude.
La transformation du CO2 nécessite l’emploi de catalyseurs, c’est-à-dire de molécules et de matériaux capables de convertir le CO2 en présence d’un flux solaire, d’électricité ou d’hydrogène. L’élaboration de nouveaux catalyseurs, plus robustes, efficaces, sélectifs et recyclables, représente un enjeu pour améliorer les performances des procédés de production des carburants de synthèse. Il est aussi nécessaire de mettre au point des catalyseurs capables de favoriser la formation de liaisons C-H et C-C à partir du CO2 et d’hydrogène pour produire des molécules plus énergétiques et plus complexes, comme le méthanol, l’éthylène, les hydrocarbures et les composés aromatiques. En parallèle, les voies biologiques visent la production de différents sucres, lipides ou hydrocarbures grâce au développement et à l’utilisation de nouvelles lignées d’organismes photosynthétiques ou bactériens (méthanogènes, levures oléagineuses, etc.).
Ces ruptures scientifiques et techniques conduisent au développement de dispositifs intégrés qui préfigurent des briques technologiques innovantes, grâce auxquelles le CO2 est converti en carburants et molécules utiles sur des chaînes de valeur fortement raccourcies, directement à partir de lumière ou d’électricité. Pour relever le pari de cette intégration, la R&D sur les approches biologiques et physico-chimiques et leur hybridation est nécessaire. Ces efforts permettront de mettre sur le marché des technologies de conversion optimisées, pour faire émerger une deuxième génération de filière de production de carburants de synthèse, à l’horizon 2040-2050.
Les différentes approches dites en rupture font l’objet de R&D au CEA et à IFPEN, notamment dans le cadre des PEPR SPLEEN, sur la décarbonation de l’industrie, B BEST, sur les biotechnologies et bioproduits, et LUMA, sur l’interaction lumière-matière, ou encore au niveau européen dans le cadre de l’initiative SUNERGY (Solar fuels and chemicals).
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E-carburants : enjeux et opportunités - Glossaire
ACV: Analyse du Cycle de Vie
ADEME : Agence de la transition écologique (www.ademe.fr)
AIE : Agence Internationale de l’Energie (www.iea.org)