Focus n°2 : La place des e-carburants dans les scénarios de transition énergétique

E-carburants : enjeux et opportunités

Focus n°2 :

La place des e-carburants dans les scénarios de transition énergétique

Les e-carburants sont aujourd’hui reconnus comme l’un des leviers essentiels pour défossiliser les transports à horizon 2050 en complément des mesures de sobriété et d’efficacité, de l’électrification et du développement des biocarburants avancés. Le GIEC et les conclusions de la COP 28 ont confirmé le besoin de CCU (captage et utilisation du CO₂) pour produire des e-carburants dès 2030. Les e-carburants ont été intégrés dans les dernières versions de tous les scénarios produits par les instances gouvernementales, les agences, les associations et groupements de parties prenantes. Dans son rapport World Energy Outlook 2023, l’AIE évalue ainsi le besoin en carburants bas carbone produits à base d’hydrogène à 416 TWh (36 Mtep) en 2030 et 3566 TWh (307 Mtep) en 2050 pour une demande totale en carburants liquides de 50 000 TWh (4300 Mtep) en 2030 et 21 200 TWh (1800 Mtep) en 2050 (scénario NZE). D’après l’ICAO (International Civil Aviation Organization), les e-carburants pourraient représenter entre 3% et 17% des carburants d’aviation en 2035 et entre 8% et 55% en 2050.

Le sujet des e-carburants est nouveau et traité de façon très hétérogène d’un scénario à l’autre avec des angles différents et complémentaires : contribution du CCU à la réduction des émissions, besoins en carburants liquides, prise en compte ou non des e-molécules pour la chimie, etc. Les périmètres, les typologies de produits et les hypothèses considérées varient, parfois fortement, et rendent difficile la comparaison des scénarios.

La Commission Européenne a pris en compte, dès 2018-2019, le recours aux e-carburants pour atteindre la neutralité carbone en 2050¹. Les objectifs d’incorporation ambitieux fixés dans les réglementations adoptées en 2023 (ReFuelEU Aviation et FuelEU Maritime) imposent la prise en compte des e-carburants dans les scénarios de transition énergétique. La Commission Européenne a publié en février 2024 une stratégie de gestion industrielle du carbone² autour de trois piliers : le CCU (y compris la production de e-carburants), le CCS et l’ICR (Industrial Carbon Removal).

Au niveau français, le Secrétariat général de la planification écologique compte sur une contribution dès 2030 des e-carburants afin de réduire les émissions de CO₂ de l’industrie. L’ADEME a publié en novembre 2023 un rapport sur les e-carburants³, avec une projection de demande en e-carburants en France entre 10,3 TWh (0,9 Mtep) et 24,4 TWh (2 Mtep) pour le secteur aérien à horizon 2050 et entre 10,9 TWh (0,9 Mtep) et 32,7 TWh (2,8 Mtep) pour le secteur maritime. Le rapport ADEME ne prend pas en considération à horizon 2050 l’usage des e-carburants dans d’autres secteurs du transport. L’Alliance ANCRE dans son rapport de novembre 2023⁴ a également introduit les e-carburants avec des projections de consommation pour le scénario le plus ambitieux en termes d’électrification et de sobriété d’environ 11 TWh (1 Mtep) en 2035 à plus de 35 TWh (3 Mtep) en 2050.

Les Etats-Unis, l’Inde, l’Union européenne, le Japon et le Canada ont intégré les e-carburants dans leurs feuilles de route pour encourager la R&I et les investissements. Si les projections de consommation sont très diverses et les scénarios réalisés sur la base d’hypothèses différentes, ils soulignent tous le besoin de développer les e-carburants au juste niveau, non pas en substitution d’autres mesures mais comme moyen complémentaire de « défossilisation ». Tous les scénarios mentionnent également des limites à leur développement : la concurrence potentielle avec d’autres produits, la dépendance aux ressources (CO₂ et électricité bas carbone), leur prix et la nécessaire mise en place d’une réglementation pour accompagner le déploiement. Afin d’atteindre les objectifs ambitieux fixés, l’AIE souligne dans son rapport de décembre 2023, The role of e-fuels in decarbonising transport, le besoin de renforcer les synergies entre les filières e-carburants, biocarburants et CCS. Il conviendra également, sur la base des retours des premières unités industrielles, d’éclairer les critères socio-techniques qui permettront aux e-carburants de trouver leur juste place dans le mix énergétique.