25.07.2024
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Le transport d’ions en milieux poreux intervient à la fois dans des phénomènes naturels, notamment dans les sols et les roches, ou dans l’industrie, pour préparer des catalyseurs par exemple ou encore pour décontaminer l’eau. Comme par ailleurs la dynamique du transport est très fortement influencée par les interactions des ions avec la surface des matériaux, une étude portant sur ces interactions a été réalisée par des chercheurs d’IFPEN et du LAGEPP qui viennent de publier leurs résultats.
Le transport d’ions en milieux poreux est un phénomène important à comprendre et à mesurer :
- pour nombre de phénomènes naturels comme l’altération de la mouillabilité des roches ou la rétention d’espèces chimiques dans les sols ;
- mais aussi pour des procédés industriels comme l’imprégnation des phases actives sur les supports catalytiques ou l’emploi d’adsorbants pour la décontamination de l’eau.
On sait par ailleurs que les interactions des ions avec la surface d’un matériau poreux influencent fortement la dynamique du transport, c'est-à-dire la vitesse avec laquelle les ions vont pénétrer et circuler dans le matériau.
Adsorption du nickel sur un grain d’alumine : mise en place expérimentale
Une caractérisation de ces interactions ions-surface a été menée par IFPEN, en collaboration avec le laboratoire LAGEPP1 dans le cadre d’un travail doctoral2. Pour cela, un solide poreux granulaire (support cylindrique extrudé de catalyseur alumine, de diamètre 1,44 mm) a été mis en contact avec des solutions de nitrate de nickel dans un réacteur parfaitement agité. Après équilibrage de la surface par de l’eau, la solution de nitrate de nickel à concentration et pH fixes a été mise en circulation dans le réacteur, tout en gardant constants la température, le débit de liquide et la quantité de solide présent.
Un suivi temporel de l’évolution du pH, de la conductivité et de la concentration en nickel de la solution, en sortie de réacteur, a été effectué [1]. Des prélèvements du solide à différents temps de séjour ont permis de compléter la description des phénomènes en fournissant à la fois la teneur en nickel à l’intérieur du solide et sa répartition spatiale à l’échelle du grain. Cette cartographie du nickel a été obtenue par imagerie LIBS (Laser Induced Breakdown Spectroscopy) sur matériaux humides, technique développée ces dernières années à IFPEN en collaboration avec l’Institut Lumière Matière de Lyon [2].
1 Laboratoire d'Automatique, de Génie des Procédés et de Génie Pharmaceutique, Université de Lyon.
2 Thèse de Rita Fayad, « Modélisation dynamique et étude expérimentale du transfert de matière d'ions métalliques et de leurs interactions avec les charges de surface à l'intérieur de structures poreuses de γ-alumine », soutenue le 6 mars 2024 à l’Université de Lyon 1
Evolution du pH en sortie du réacteur
La Figure 1 présente le suivi temporel du pH (concentration protique) en sortie de réacteur pour deux concentrations molaires en nickel (0,05 et 0,5 mol/L) et deux niveaux d’acidité différents (pH2 et pH5) en entrée. En sortie du réacteur, la concentration en protons est très faible au départ (environ 10-7 mol/L) puis augmente et se stabilise avec une dynamique très lente, en particulier lorsque le pH initial de la solution est faible (courbes bleue et orange sur la figure 1). Ceci s’explique par le fait que les protons, en forte concentration en entrée de réacteur, diffusent au cœur du support en alumine et interagissent graduellement avec sa surface, jusqu’à ce qu’il soit éventuellement saturé.

Vue d’un grain d’alumine : une histoire racontée en images
L’analyse par LIBS des extrudés d’alumine est illustrée à la figure 2. Pour de faibles concentrations en nickel, la compétition entre les protons H+ et les ions nickel Ni2+ pour interagir avec la surface de l’alumine mène, aux temps longs, à des profils en « jaune d’œuf », le nickel situé en périphérie des grains étant peu à peu chassé du solide par les protons.

La lenteur des dynamiques à pH bas a été expliquée par la charge de surface de l’alumine : très positive dans ce cas, elle repousse les protons, eux aussi chargés positivement.
Un nouveau modèle pour rendre compte des phénomènes observés
La richesses des informations obtenues à la fois sur la phase liquide et sur le solide ont permis de développer un modèle prenant en compte ces phénomènes de charges de surface et de compétition d’adsorption, lequel explique les résultats expérimentaux obtenus. Ce modèle est en cours de publication.
Références :
[1] R.Fayad, F. Couenne, L. Sorbier, E. Jolimaitre, C.-P. Lienemann, A. Galfre, C. Jallut, M. Tayakout-Fayolle, "Adsorption of Nickel Ions on the γ-Alumina Surface: Competitive Effect of Protons and Its Impact on Concentration Profiles", Langmuir 40 3343–3353 (2024)
>> DOI : https://doi.org/10.1021/acs.langmuir.3c02199.
[2] L. Jolivet, L. Catita, O. Delpoux, C.-P. Lienemann, L. Sorbier, V. Motto-Ros , J. Catal. "Direct multi-elemental imaging of freshly impregnated catalyst by Laser-Induced Breakdown Spectroscopy" 401 183–187 (2021)
>> DOI : https://doi.org/10.1016/j.jcat.2021.07.010
Contact scientifique : Loic Sorbier
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