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A retenir 

La décarbonation du secteur automobile nécessite une approche favorisant la neutralité technologique, en combinant l'électrification, l'hydrogène et les bioénergies. L'électrique à batterie est considéré comme la solution optimale pour la majorité des applications, mais des défis persistent en termes d'infrastructure et de coûts. La collaboration entre les acteurs de l'industrie, de la recherche et les pouvoirs publics sera cruciale pour atteindre les objectifs de réduction des émissions.

 

Gaétan Monnier, directeur du centre de résultats Mobilité, IFPEN 

Gaétan Monnier, directeur du Centre de résultat Mobilité IFPEN, a présenté un aperçu détaillé du contexte et des objectifs de réduction des émissions dans le secteur automobile :
-    2030 : -55% pour les véhicules particuliers, -50% pour les utilitaires légers (par rapport à 2021).
-    2030-2040 : objectifs progressifs pour les camions (-45% en 2030, -65% en 2035, -90% en 2040, par rapport à 2019).
Plusieurs pays européens (Norvège, Pays-Bas, Autriche, Suède, Slovénie, Danemark, Irlande, Ecosse) prévoient la fin du moteur thermique entre 2025 et 2032. Certaines entreprises annoncent également du tout électrique à horizon 2030-2040.

L’électrification n’est pas encore massive pour le transport routier et des alternatives non électriques demeurent telles que les carburants décarbonés zéro émission.

L’offre des véhicules électriques particuliers s’est développée, mais les chiffres de 2023 montrent que :
-    1 véhicule vendu sur 6 en Europe était électrique, avec une prédominance des modèles haut de gamme (SUV) ;
-    1/3 des véhicules vendus en France provenaient d’Asie, et 10% seulement des véhicules électriques neufs vendus en France y sont produits.

Dans ce contexte, les défis à relever concernent le développement de l'offre de véhicules électriques plus petits, l’amélioration de l'autonomie des poids lourds électriques, l’expansion du réseau de recharge, l’ajustement des prix et la gestion des taxes douanières sur les importations. La clause de revoyure annoncée pour 2026 est également un sujet. 
 

Philippe Schulz, directeur des partenariats technologiques amont, Ampère 

Pour Philippe Schulz, représentant d’Ampère, business unit de Renault dédiée aux véhicules électriques, Ampère représente une révolution industrielle et technologique pour l'industrie automobile. Il en a présenté la stratégie et les investissements.

Cette révolution vise à répondre à des enjeux de soutenabilité sociétale et environnementale, de souveraineté industrielle européenne, et des enjeux financiers. L’industrie automobile a déjà investi 270 milliards d’euros dans l’électrification. Renault, avec ses sites de production en France, comme Cléon, et le pôle ElectriCity dans le nord, a investi massivement tout en cherchant à rendre les véhicules électriques plus accessibles et abordables. Une dynamique s’est engagée et doit se poursuivre pour passer le cap des 50 % de part de marché pour les véhicules électriques (contre 18 % aujourd’hui).

La réduction des coûts, principalement des batteries, est cruciale pour augmenter la part de marché des véhicules électriques, ce qui implique une révolution technologique continue, notamment via la chimie des batteries et l'intégration de l'énergie dans les véhicules. Par ailleurs, une certaine flexibilité dans le recours à différentes technologies, comme les moteurs thermiques à hydrogène, peut contribuer à atteindre les objectifs de zéro émission.
 

Marc Lejeune, directeur Business Intelligence, Renault Trucks

Marc Lejeune, directeur business intelligence de Renault Trucks, a présenté une analyse exhaustive des solutions (l'électrique à batterie, l'hydrogène et les bioénergies) pour décarboner le fret, qui représente un tiers de la consommation de carburant des véhicules

L’électrique à batterie a plusieurs avantages : meilleure efficacité énergétique, coût moyen terme inférieur, empreinte carbone favorable, réduction des NOx et du bruit. Ses inconvénients, surmontables, concernent la disponibilité des minéraux pour les batteries, l’infrastructure électrique, les contraintes opérationnelles pour les transporteurs et le coût initial plus élevé.

L’hydrogène peut répondre aux besoins quand l'électrique à batterie n'est pas viable, mais doit répondre à plusieurs défis : la faible disponibilité actuelle et future de l'hydrogène vert et bleu, le rendement énergétique faible aussi bien pour le moteur thermique que pour la pile à combustible, le coût élevé et l’empreinte carbone moins favorable. Son utilisation fera l’objet d’arbitrages entre ses avantages – ravitaillement plus rapide et meilleure autonomie – et les surcoûts. A l’heure actuelle, entre usage étendu ou utilisation de niche, les projections n’ont pas tranché.

Les bioénergies (biométhane et biodiesel) sont confrontées à plusieurs limitations : quantité disponible restreinte et utilisation majoritairement orientée vers la production d’électricité et la décarbonation des secteurs maritime et aérien, coût élevé limitant l'usage généralisé pour les camions. Pour ce qui concerne le e-diesel, Renault Trucks anticipe un coût élevé et préfère ne pas y investir. 

L’électrique à batterie est jugée la solution optimale pour la majorité des applications de transport de fret, bien que des alternatives comme l’hydrogène et les bioénergies soient envisagées pour des cas spécifiques.
 

Mathieu Soulas, directeur Nouvelles Mobilités, Total Énergie

Mathieu Soulas a abordé la question des infrastructures de recharge sous un angle principalement opérationnel dans ses deux volets : véhicule léger (VL) et poids lourd (PL). 

La distribution énergétique du VL a évolué ces 20 dernières années : elle a opéré une transition d’un modèle de stations-service traditionnelles, principalement publiques, vers la recharge à la borne électrique, assurée à 70 % par le privé et à 30 % par le public. La recharge publique est répartie en 3 segments : l’urbain (essentiellement à partir de concessions publiques), la grande distance équipée de hubs de charge rapide et l’interurbain.

Plusieurs enjeux technologiques sont associés aux bornes de recharge : des enjeux de sécurité, de fiabilité, de cybersécurité, de parcours client, et des enjeux économiques. En effet, les investissements dans les bornes de recharge ont été massifs, pour des taux d’utilisation très faibles. 

Les infrastructures de recharge, soutenues initialement par des subventions, font l’objet d’investissements massifs et leur déploiement suscite toujours plus de concurrence, attirant divers acteurs du secteur énergétique et des fonds d'investissement. Positionné en Europe de l’Ouest et en Chine, où le marché plus mature fournit un bon retour d’expérience en matière de déploiement, TotalEnergies a pour sa part comme ambition de couvrir les différents segments d’infrastructures VL

Concernant la distribution du PL, la transition se fait vers les carburants alternatifs comme le biogaz. Les enjeux dans le domaine de l’électrique concernent l’efficacité énergétique et les coûts, le marché des poids lourds ne bénéficiant pas des aides du VL, mais aussi l’accompagnement des changements de comportement des conducteurs et des changements d’usage des gestionnaires de flotte
 

António Pires da Cruz, Responsable de programme, IFPEN

António Pires da Cruz a présenté l'engagement et les actions d’IFP Energies nouvelles (IFPEN) dans le contexte de la décarbonation et de la neutralité carbone à l'horizon 2050.

IFPEN, centre de recherche et innovation public, a pour mission d’éclairer les pouvoirs publics sur les choix technologiques et de développer des technologies innovantes créatrices d'emplois et de richesse pour la France et l’Europe. La neutralité technologique est essentielle pour IFPEN.

IFPEN développe des solutions dans différents domaines pour atteindre les objectifs de la neutralité carbone d'ici 2050, en ligne avec le Green Deal et les cadres réglementaires pour le maritime et l’aviation. Ses équipes s’appuient sur les analyses de cycles de vie (ACV) multicritères pour guider ses choix technologiques. 

En matière de décarbonation, les équipes d’IFPEN développent des solutions dans le domaine de l’électrification (moteurs électriques, batteries, électronique de puissance), mais également les moteurs thermiques à hydrogène et les piles à combustible. 

Les carburants bas carbone (biocarburants de première et deuxième génération issus de la biomasse ou du carbone recyclé des déchets de biomasse), au-delà des secteurs de l'aviation et du maritime, peuvent aussi offrir des bilans carbone compétitifs pour les véhicules thermiques dans l’intervalle de temps qui mène aux échéances réglementaires et à l’électrification massive des véhicules. Cependant, leur développement doit s’appuyer sur un appui législatif et fiscal.

Travaillant sur le sujet depuis les années 80, IFPEN propose aujourd’hui des technologies de production de biocarburants avancés comme le biodiesel, le kérosène, le bioéthanol, et des carburants synthétiques, appelés e-fuels, et présentant un bilan carbone intéressant. 

Autre volet de décarbonation : la digitalisation des mobilités au moyen de la collecte et du traitement des données pour améliorer la conduite, optimiser l'utilisation des véhicules et éclairer la prise de décision.