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Dans son scénario « développement durable », l’Agence internationale de l’énergie (AIE) considère que l’efficacité énergétique est le premier levier pour réduire les émissions de CO2 (voir figure). Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) estime lui aussi que l’efficacité énergétique est un élément clé de la transition écologique. Il en va d’ailleurs ainsi pour tous les gouvernements engagés dans l’Accord de Paris. Mais il se pourrait que cette stratégie ne fonctionne pas, car elle omet un phénomène qui œuvre depuis longtemps pour contrer les bénéfices de l’efficacité énergétique : l’« effet rebond ». 

Scénario "Politiques publiques déclarées"
Facteurs de réduction des émissions de CO2 liées à l'énergie
pour atteindre le scénario « développement durable » de l’AIE [1]

Ce phénomène résulte de l’ensemble des mécanismes économiques et comportementaux qui annulent une partie, ou la totalité, des économies d'énergie résultant des gains d’efficacité. L’ampleur des effets rebond est difficile à quantifier, mais une tendance se dégage dans les connaissances que nous avons de ce phénomène.

Une étude récente, à laquelle a pris part IFPEN[2], a montré que les preuves d’un effet rebond très significatif étaient de plus en plus nombreuses : plus de la moitié des économies d'énergie résultant d'une amélioration de l'efficacité énergétique semble ainsi ne jamais se concrétiser dans la réalité. Une question clé est alors de savoir si ces effets rebond sont correctement pris en compte dans les modèles énergétiques et climatiques mondiaux.

Dans cette même étude, quatre des « modèles d'évaluation intégrés » utilisés par le GIEC ont été examinés, ainsi que les modèles utilisés par BP, Shell, l'AIE et l'US Energy Information Administration (EIA). Le constat a été que la plupart de ces modèles étaient incapables de saisir un grand nombre des mécanismes contribuant à l’effet rebond. Cette analyse suggère donc que les modèles en question surévaluent les économies d'énergie effectivement réalisables. En d’autres termes, la demande énergétique mondiale semble significativement sous-estimée dans les scénarios qui orientent la prise de décision politique.

Puisqu’environ 50 % des économies d’énergie semblent contrebalancées par l’effet rebond, il est urgent que la communauté des modélisateurs considère ce phénomène plus sérieusement et que ceux-ci parviennent à mieux l’intégrer dans leurs équations. Sans cela, la crédibilité des scénarios climatiques mondiaux pourrait être sujette à caution, a fortiori pour ceux qui se fondent sur un découplage fort entre activité économique et consommation d’énergie. 
 


[1] International Energy Agency, World Energy Outlook 2019, Paris, p. 79.

[2] P. E. Brockway , S. Sorrell, G. Semieniuk, M. K Heun, V. Court. Energy efficiency and economy-wide rebound effects: A review of the evidence and its implications. Renewable and Sustainable Energy Reviews, 2021, vol. 141, 110781.
>> DOI: 10.1016/j.rser.2021.110781

 


V. Court. The Conversation - 06/04/2021 :
>> La demande énergétique mondiale est sous-estimée, et c’est un vrai problème pour le climat 
    

Contact scientifique : Victor Court

>> NUMÉRO 44 DE SCIENCE@IFPEN