23.05.2023

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Le 15 mai 2023 a eu lieu la réunion de lancement du projet Karst qui vise à établir un cadre de modélisation physique multi-échelle pour les aquifères karstiques. Ce projet à quatre voix, qui bénéficie d’une bourse ERC Synergy, permettra de mieux modéliser et prédire le comportement de ces systèmes lors d’évènements météorologiques extrêmes potentiellement dangereux (sécheresses, inondations), et de mieux comprendre leur formation. 

Ce projet durera 6 ans et profitera de la synergie des quatre partenaires reconnus au niveau international (IDAEA- CSIC, universités de Ljubljana et de Neuchâtel, IFPEN via son Carnot Ressources Energétiques) qui apporteront des compétences complémentaires et des technologies de pointe lors des quatre phases du projet. Les équipes seront pilotées par quatre experts rattachés à ces entités, Marco Dentz, Bojan Mohar, Philippe Renard et Benoit Noetinger.

Karst vise à modéliser et à caractériser à travers le monde les aquifères karstiques composés de grottes souterraines afin de prédire leur réaction face aux phénomènes météorologiques intenses de plus en plus fréquents avec le changement climatique. L’idée sous-jacente est de disposer d’un « catalogue » des systèmes de grottes, en fonction de leurs différentes propriétés, pour mieux comprendre leur structure et le comportement des fluides (eau, air) qui y circulent. Les résultats aideront à prévoir le déplacement des masses d’eau et des éventuels polluants ainsi qu’à évaluer l’impact des inondations, des sécheresses et des pollutions. 
 

Le saviez-vous ?

L’importance des systèmes karstiques

Les systèmes karstiques sont des réseaux de grottes qui ont été formés par la dissolution de roches carbonatées (calcaires, etc.). Leur nom vient du plateau de Karst entre l’Italie, la Slovénie et la Croatie, qui se caractérise par de telles formations. 
L’eau qui circule dans ce type d’aquifères couvre jusqu’à 25% de l’approvisionnement en eau potable, pour l’industrie et l’agriculture dans le monde entier. Les aquifères karstiques forment un grand réservoir d’eau douce et se caractérisent par des écoulements et des transports de solutés extrêmement rapides. Cependant, ce sont des systèmes très sensibles et fragiles face aux aléas climatiques. Ils peuvent induire des inondations et une contamination des ressources en eau à la suite de précipitations extrêmes ou de rejets ponctuels de polluants. Comprendre comment l’eau s’écoule et comment les polluants sont transportés à travers ces systèmes karstiques est d’une grande importance pour assurer le bien-être des sociétés humaines qui dépendent de cette eau.


Le projet vise à répondre à des questions fondamentales dans chacune de ses quatre phases.
 

1 - Comment l’eau s’écoule dans un conduit et comment les solutés s’y dispersent ?

La première phase du projet vise à comprendre et modéliser l’écoulement de l’eau et le transport des solutés au niveau d’un conduit, autrement dit d’une grotte. Elle permettra d’établir les lois physiques qui régissent le mouvement des fluides dans une grotte. Aujourd’hui, les lois bien connues de la physique des fluides s’appliquent aux conduits simples et réguliers tels que les tuyaux ou les canaux mais elles s’appliquent mal aux grottes qui sont tortueuses, irrégulières, rugueuses, fissurées et encombrées de gravats et qui interagissent fortement avec la matrice rocheuse chargée en eau.
Dans cette phase, un équipement technique laser (de type LIDAR) numérisera les grottes qui pourront ainsi être imprimées en 3D à plus petite échelle par une équipe de l’INRIA à Nancy, permettant la construction d'un jumeau numérique. 
Cette impression 3D permettra à l’équipe de diagnostics optiques d’IFPEN de faire des expériences d’écoulement et de transport en laboratoire pour établir les lois physiques du transport des fluides à l’intérieur d’une grotte. Dans le même temps, le jumeau numérique, validé grâce à ces expériences, permettra d’extrapoler dans des cas plus généraux les résultats obtenus. 

Conduit

2 - Comment décrire un réseau de grottes ?

La deuxième phase de Karst sera consacrée à l’étude des structures de réseaux de grottes. Elle établira les paramètres qui caractérisent ces structures, ce qui permettra de les classer et de générer des réseaux karstiques synthétiques ayant des propriétés réalistes. La théorie mathématique des graphes sera ainsi mise au service des géosciences par les équipes des universités de Neuchâtel et de Ljubljana.

réseau de grottes

3 - Comment prédire les flux d’eau et les processus de transport des contaminants à différentes échelles ?

La troisième phase de Karst, qui sera menée conjointement par l’ensemble des équipes des quatre partenaires, permettra la mise au point de méthodes de prévision de l’écoulement de fluides (eau, air) et, par conséquent, du transport des polluants à travers les systèmes de grottes. Les lois physiques développées lors des deux premières phases du projet pour les conduits et leur structure seront utilisées pour établir une approche prédictive et la mettre à l’échelle. 
 

4 – Confrontation avec les données de terrain

La phase finale du projet confrontera les principaux résultats théoriques obtenus en modélisation et en prédiction à la réalité dans plusieurs domaines applicatifs. Voici les trois principales études qui seront menées.

Prédiction d’inondations ou de sècheresses, étude des conséquences du changement climatique

Le cas d’étude concernera la région de Nîmes en France qui possède un système karstique complexe à l’origine de crues éclair. Les résultats obtenus à l’aide du projet Karst seront comparés aux observations et à de précédentes modélisations.

Etude des contaminants dans les systèmes karstiques

Les contaminants dans les systèmes karstiques sont d’une grande variété et peuvent provenir de différentes sources, telles que l’industrie, l’agriculture ou les décharges. Le projet étudiera un aquifère karstique à Porrentruy en Suisse contaminé par des solvants chlorés d’origine inconnue. 

De nouvelles avancées en spéléogenèse

Les nouveaux concepts et outils apportés par le projet Karst seront mis à contribution en spéléogenèse, c’est-à-dire dans l’étude et la compréhension de la formation des systèmes karstiques. Les lois d’écoulement et de transport établies dans le cadre du projet seront comparées aux méthodologies existantes et des expériences analogiques de spéléogenèse seront conduites en laboratoire à IFPEN.

Ouverture vers d’autres disciplines scientifiques

Les résultats du projet Karst pourront également avoir des applications dans d'autres domaines scientifiques comme l’étude des réseaux capillaires en biologie, la microcirculation cérébrale ou la compréhension des écoulements d'eau de fonte dans les glaciers.
 

A retenir

Le projet Karst est piloté par un quatuor de chercheurs confirmés issus de quatre entités distinctes et dont les compétences sont complémentaires :
- Marco Dentz, de l’IDAEA (Institute of Environmental Assessment and Water Research) du Conseil supérieur de la recherche scientifique (CSIC) en Espagne, est un physicien spécialiste des milieux poreux et fracturés, de la mise à l’échelle des processus de transport et de réaction chimique,
- Bojan Mohar, de l’université of Ljubljana (UNILJ) en Slovénie, est un théoricien des graphes, qui étudie leurs nombreuses propriétés (topologiques, structurelles, spectrales, etc.),
- Philippe Renard, de l’université de Neuchâtel (UNINE) en Suisse, est hydrogéologue, expert en modélisation stochastique des karsts,
- Benoit Noetinger, d’IFP Energies nouvelles (IFPEN), est chercheur en mécanique des fluides, expert de la mise à l’échelle stochastique des écoulements dans les milieux hétérogènes aléatoires.
A ces quatre chercheurs chevronnés vont se joindre de jeunes talents prometteurs qui font partie de ces entités ou d’organismes de recherche partenaires comme l’INRIA. 

ERC

Contact scientifique : Benoît Noetinger