30.01.2024

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Longtemps négligé, l’hydrogène naturel suscite aujourd’hui un vif intérêt. Bien que des avancées significatives aient été réalisées dans la compréhension de son origine et de ses mécanismes de formation, les réserves disponibles et les méthodes d'exploitation demeurent encore largement incertaines, nécessitant davantage de recherche et de développement pour évaluer pleinement son potentiel dans la transition énergétique mondiale.
Le point sur l’état des connaissances avec Yannick Peysson, responsable du programme de recherche « Ressources et usages du sous-sol pour la transition énergétique » à IFPEN.

 

De quand date la découverte de la présence d’hydrogène naturel ?

La présence d’hydrogène naturel dans le sous-sol a été observée depuis longtemps. Ainsi, en France, des gaz contenant plus de 6% d’hydrogène ont été observés dans un petit champ de gaz découvert en 1906 et aujourd’hui épuisé dans la région d’Ambérieu en Bugey dans l’Ain. Au niveau mondial, la présence d’hydrogène a également été notée par exemple lors du forage de Kola, le forage le plus profond réalisé dans la croûte continentale dans la partie russe de la péninsule scandinave. Depuis, de nombreux travaux ont confirmé la présence d’hydrogène sur différents sites. Toutefois, c’est la mise en production au Mali du puits de Bourakebougou en 2013 qui marque une étape dans la prise de conscience du potentiel de l’hydrogène naturel. Les chercheurs IFPEN, dès 2008, ont étudié les émanations d’hydrogène  en différents endroits à la surface de la terre afin d'évaluer le potentiel de cette ressource. Leurs travaux ont permis de révéler que l’hydrogène naturel se rencontrait de manière préférentielle dans plusieurs types d’environnements géologiques.
 

Où se situent ces « sources » d’hydrogène naturel ?

L’émission d’H2 est un phénomène généralisé dans l'ensemble des massifs de péridotites. Les péridotites sont des roches dominantes dans le manteau terrestre, où les concentrations en H2 peuvent dépasser 80%. Ce gaz est systématiquement associé à de l'azote et du méthane, voire localement à des teneurs en hélium relativement élevées. Les zones géographiques associées sont situées aux frontières de plaques : Oman, Nouvelle-Calédonie, Philippines, Turquie, …

De nombreuses zones associées à des structures géologiques au cœur des continents présentent également des émanations d’H2. C’est le cas du Kansas et du Mali, sites étudiés par IFPEN, mais aussi d’autres zones en Amérique du Sud, en Afrique, en Australie, jusqu’en Chine où en 2022, de l’H2 a été découvert dans la partie profonde du bassin de Songliao. Ces émanations semblent souvent émises depuis des roches très anciennes et riches en fer. 

Les gaz volcaniques contiennent également de manière très fréquente des quantités variables d’H2. C’est le cas en Islande, où des concentrations en H2 relativement importantes ont été rencontrées sur certains forages géothermiques, c’est le cas également en Italie dans la région du Lardarello, ou encore le long du rift Est-Africain.
 

Quelles sont les hypothèses sur les origines de l’hydrogène naturel ?

L'accumulation progressive des données plaide de plus en plus pour une origine relativement profonde de l’H2 naturel. Divers mécanismes de formation ont été invoqués, notamment l'oxydation naturelle des roches riches en Fe par l’eau profonde. La proximité de roches basiques, la présence d'anomalies gravimétriques et magnétiques bien marquées est assez systématique, ce qui plaide également pour une origine de l’H2 liée à la présence de roches riches en fer. 

D’autres réactions interviennent dans les systèmes volcaniques et peuvent fournir des mécanismes de production comme les réactions d’oxydation du soufre dans les systèmes hydrothermaux. Sur certaines zones riches en éléments radioactifs, la radiolyse de l’eau est également fréquemment invoquée par divers auteurs comme processus de formation. 

Le craquage thermique des hydrocarbures peut également être responsable de la genèse d’H2 dans les bassins profonds. Enfin, l’activité microbienne est aussi une cause de la genèse d’H2 sous certaines conditions. 
 

En quoi consistent, à l’heure actuelle, les travaux d’IFPEN ?

Les travaux menés aujourd’hui par nos chercheurs visent à développer les connaissances permettant de répondre aux questions d’origine et de mécanismes de formation, de consommation lors de la migration vers la surface et à développer les outils de l’exploration géologique afin d’être en mesure de proposer aux industriels des méthodes et outils de quantification des réserves/ressources éventuelles.
 

A retenir

- L’existence d’hydrogène dans le sous-sol est aujourd’hui établie et différents mécanismes de formation sont proposés permettant de comprendre comment l’hydrogène a pu être observé en différents endroits du globe et pourquoi de plus en plus de fortes concentrations d’H2 sont décelées dans différents forages d’exploration.
- Cependant, les ressources disponibles et les réserves éventuelles font encore l’objet de grandes incertitudes. L’existence de roches réservoirs permettant d’accumuler cette ressource et de roches couvertures permettant de la piéger, n’est avérée que dans quelques cas. On ignore également la proportion d’H2 consommée par les réactions minérales ou biologiques en subsurface.
- Les « systèmes hydrogène » semblent bénéficier d’une cinétique de production très active, ce qui conduit à parler d’une énergie de flux, plutôt que d’une énergie de stock. Le potentiel de production de l’hydrogène naturel pourrait se révéler important car dans le cas d’accumulation ou de flux suffisant, l’exploitation de cet hydrogène par forage et un minimum de traitement en surface (séparation de gaz, purification) pourraient se réaliser à des couts bien inférieurs à ceux des autres sources de production d’hydrogène. C’est ce qui explique aujourd’hui la poursuite de l’exploration, et le positionnement de plusieurs acteurs industriels sur cette exploration. 
- Le passage de la phase exploration à la phase de premiers pilotes puis à une phase de production à l’échelle industrielle, prendra un certain temps et une éventuelle production importante d’hydrogène naturel pour le marché mondial ne peut vraisemblablement pas être attendue avant 2035-2040. Le financement de travaux sur ce sujet est donc nécessaire et doit être amplifié pour mieux connaître la ressource, estimer les gisements et les conditions d’exploitation.

Contact

Yannick Peysson

  • Transport et stockage d’hydrogène

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