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Parmi les leviers pour abaisser la concentration de CO2 dans l’atmosphère figure bien sûr la réduction des émissions de gaz à effet de serre d’origine fossile, mais il est aussi possible d’accroître les quantités de carbone stockées dans les sols. Cette option met en jeu la matière organique du sol (MOS), classée en trois groupes fonctionnels suivant la vitesse à laquelle elle se dégrade en CO2 : rapide (de quelques jours à un an), intermédiaire (de quelques années à quelques décennies) ou lente (de plusieurs décennies à plus d’un siècle). En lien avec la composition chimique de la matière organique, le temps de résidence de cette dernière dans le sol dépend à la fois de ses interactions avec les minéraux présents et de sa minéralisation induite par l’action des microorganismes.

Dans le contexte actuel de dérèglement climatique, connaître l’évolution du carbone dans les sols devient un enjeu critique. C’est pourquoi IFPEN s’est intéressé au potentiel du Rock-Eval®, un fleuron de la recherche pétrolière, comme moyen d’effectuer cette caractérisation de manière fiable et rapide. Celui-ci repose en effet sur des analyses thermiques bien plus simples que les protocoles de fractionnement et d’incubation proposés aujourd’hui dans les sciences du sol et de l’environnement. L’efficacité de la méthode, qui consiste à soumettre les échantillons à des programmes de chauffe (pyrolyse et combustion), a été largement démontrée dans le domaine pétrolier pour caractériser la matière organique, aussi bien sur le plan qualitatif que quantitatif[1]. En différenciant des fractions de carbone de différentes stabilités thermiques (labilea, résistante et réfractaire), la méthode permet de retrouver aussi les différentes catégories fonctionnelles de la MOS et de rendre compte de l’aptitude des échantillons à se minéraliser.

C’est ainsi qu’une méthode originale utilisant le Rock-Eval® a été récemment développée à IFPEN pour mieux quantifier le carbone organique (COS) et inorganique (CIS) du sol (brevets en cours), tout en permettant de mieux appréhender la stabilité du COS. A cet égard, deux nouveaux critères fonctionnels basés sur l’analyse du thermogramme de pyrolyse ont été identifiés pour représenter et suivre sur un diagramme les dynamiques de minéralisation et de stabilisation du carbone[2].

Cette nouvelle approche a été appliquée à une série d’échantillons de sols prélevés à différentes profondeurs dans une hêtraie située dans une forêt domaniale de Normandie, dont la gestion est documentée depuis 200 ans[3]. Cette étude a mis en évidence une relation entre la granulométrie des fractions du sol et la stabilité thermique de la MOS qui rend probablement compte de sa stabilité biogéochimique. Ces résultats de terrain ont été corroborés par des expériences d’incubation sur sol modèle (figure 1), qui ont établi le lien entre la diversité microbienne, la complexité moléculaire et la stabilité thermique de la MOS[4]. De même, on a pu étudier l’impact de l’ajout d’un mélange entre biocharb et engrais organiques sur la fertilité et la séquestration du carbone à long terme dans le sol[5].

Science@ifpen n° 46
Figure 1 : Détermination du CO2 généré par la minéralisation de la MOS
(R-Index : descripteur de la stabilité du COS issu de l’analyse Rock-Eval®) [4]

Ces nouvelles compétences d’IFPEN sont d’ores et déjà impliquées dans des projets collaboratifs :   

  • un projet ANR visant à mieux comprendre l’impact des plastiques sur l’écosystème des sols[6] ;   
  • un projet du Belmont Forum qui s’intéresse à l’impact des changements climatiques récents et des usages de sols arctiques et équatoriaux sur le stockage du carbone[7]
        

Originales et prometteuses pour la caractérisation du carbone dans les sols dans de nombreux contextes pédologiquesc et agronomiques (figure 2), ces activités illustrent la capacité d’IFPEN à opérer des transferts d’expertise pour répondre aux enjeux de la transition environnementale.

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01b-Science@ifpen n° 46-Schema
Figure 2 : Illustration des recherches menées à IFPEN


a- Peu stable.
b- Résidu solide riche en carbone obtenu par pyrolyse de matières organiques d’origines diverses (résidus agricoles, fumier, résidus d’exploitation forestière, etc.).
c- Relatifs à l’étude des sols.


Références :

[1] https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/breve/rock-evalr-analyse-thermique-des-roches-et-des-sols
  
[2] Sebag D., Verrecchia E.P., Cécillon L., Adatte T., Albrecht R., Aubert M., Bureau F., Cailleau G., Copard Y., Decaens T., Disnar J.-R., Hetényi M., Nyilas T., Trombino L., 2016. Geoderma 284, 185-203. https://doi.org/10.1016/j.geoderma.2016.08.025.
  
[3] Sebag D., Verrecchia E.P., Adatte T., Aubert M., Cailleau G., Decaens T., Kowalewski I., Trap J., Bureau F., Hedde M., 2021. Pedosphere, 2021, in press.
  
[4] Domeignoz-Horta L. A., Shinfuku M., Junier P., Poirier S., Verrecchia E., Sebag D., De Angelis M., ISME COMMUN., accepté (preprint https://doi.org/10.1101/2021.04.23.441131).
   
[5] Aubertin M.L., Sebag D., Jouquet P., Girardin C., Houot S., Kowalewski I., Lamoureux-Var V., Pillot D., Rumpel C., 2021. Eurosoil 2021 (virtual congress), 23-27 août 2021, communication orale.
   
[6] Projet ANR e-Dip : « Dynamique environnementale et impacts des cocktails de contaminants provenant des plastiques dans les écosystèmes terrestres ». Coordinateur du projet : Marie-France Dignac, INRAE, iEES Paris.
   
[7] Projet VULCAR-FATE : « Global change impact on vulnerable carbon reservoirs: carbon sequestration and emissions in soils and waters From the Arctic To the Equator », financé par le Belmont Forum. Coordinateur du projet : Jean-Jacques Braun, IRD, Géosciences Environnement Toulouse.  
 

Contact scientifique : isabelle.kowalewski@ifpen.fr

>> NUMÉRO 46 DE SCIENCE@IFPEN