21.03.2023

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Pour les segments de transport difficiles à électrifier, tels que les véhicules terrestres lourds (poids lourds longs routiers, off road1), la mobilité hydrogène apparaît comme une alternative prometteuse pour répondre aux enjeux de diminution de l’empreinte carbone du transport.
Si la pile à combustible est une solution très étudiée dans le cadre de la mobilité décarbonée, le moteur à combustion interne utilisant de l’hydrogène comme carburant se présente comme une alternative tout aussi envisageable pour réduire nettement les émissions de CO2 et polluants.
C’est ce que tendent à démontrer des travaux menés par IFPEN, FEV et l’université d’Aachen dans le cadre du projet européen LONGRUN.

Pour l’emploi d’hydrogène comme carburant, le principal défi est d’assurer un haut niveau de rendement tout en maitrisant les émissions de NOx et les combustions anormales. Afin d’identifier les leviers d’optimisation de ce système de conversion énergétique et de mieux comprendre les phénomènes en jeu, IFPEN a collaboré avec FEV et l’université d’Aachen, pour mener une étude [1] à la fois expérimentale et numérique dans le cadre du projet européen LONGRUN.
 

Validation d’une approche 3D dédiée au moteur à hydrogène

Le savoir-faire d’IFPEN en termes de modélisation et de simulation CFD2 réactive a permis de formuler une première approche numérique 3D multi-physique pour prédire le comportement d’un moteur H2.
La simulation repose sur une formalisation RANS3, implémentée dans le code de calcul CONVERGE™, et est basée sur l’utilisation couplée de plusieurs sous-modèles physiques :
•    l’Extended Coherent Flame Model (ECFM) [2] qui décrit la propagation d’une flamme H2 partiellement pré-mélangée ;
•    le modèle Tabulated Kinetics of Ignition (TKI) [3] pour la prédiction des phénomènes en lien avec l’auto-inflammation (préallumage et cliquetis) ;
•    et le modèle chimique détaillé de post-flamme (activé seulement dans la région des gaz brulés)  pour la prédiction des émissions de NOx.
La démarche de modélisation a été validée sur des mesures expérimentales fournies par FEV et l’université de Aachen sur un moteur monocylindre Diesel spécifiquement converti à l’H2 pour le projet LONGRUN. 
Dans un premier temps, la validation du modèle numérique a été effectuée sur une configuration homogène PFI4 pour éviter les incertitudes liées à la modélisation du mélange Air/H2 dans la chambre de combustion. 
La Figure 1 donne le détail de cette validation qui a notamment porté sur la prédiction de la propagation de flamme, des phénomènes de combustions anormales (cliquetis) et des émissions de NOx.

1 Off-road : Tout type de véhicule capable de rouler sur et hors d’une surface pavée ou de gravier
2 CFD : Computational Fluid Dynamics
3 RANS : Reynolds-Averaged Navier-Stokes
4 PFI : Port Fuel Injection

Validation du modèle numérique
Figure 1. Configuration PFI : a) pression du cylindre numérique (ligne continue) comparée au signal expérimental (ligne pointillée), en fonction de l’angle de rotation du vilebrequin ; b) enveloppe de pression expérimentale sur un point cliquetant comparé à l’enveloppe numérique obtenue pour différentes valeurs d’avance à l’allumage (ST) en monitorant le pourcentage de la masse d’H2 consommé en auto-allumage ; c) comparaison entre les émissions de NO et NO2 expérimentales et numériques à l’échappement du moteur pour plusieurs valeurs de λ.

Dans un second temps, le modèle CFD préalablement validé sur la configuration PFI a permis de simuler une configuration avec injection directe d’H2
Tout en reproduisant la bonne évolution de la pression cylindre (et donc de la propagation de la flamme) par rapport aux mesures, le calcul a permis de démontrer que l’optimisation de la formation du mélange sur la configuration à injection directe (DI) est un levier clé pour l’amélioration du rendement moteur et la réduction des émissions de NOx.
La Figure 2 montre que la formation de NO et NO2 est fortement liée la préparation du mélange décrit par la variable λ5. Cette première validation a pu en outre confirmer la pertinence du calcul 3D comme outil d’aide et d’accompagnement à la conception des futures motorisations Hydrogène.

Rapport Air/Carburant 

Préparation du mélange
Figure 2. Gauche : évolution de la pression cylindre sur un point à injection directe pour le calcul numérique (ligne continue) et pour les expériences (ligne pointillée). Droite : distribution 2D, sur le plan médian du cylindre, de la température, (λ) et NOx (NO et NO2) sur un point de fonctionnement à injection directe (DI) avec un angle de rotation du vilebrequin (CAD = Crank Angle Degree) de 10°.


Des travaux en cours pour améliorer la prédictivité de la simulation 3D 

Les résultats prometteurs atteints au cours de cette étude invitent à aller plus loin et à engager de nouvelles approches de simulation pour continuer à améliorer la robustesse et la prédictivité des calculs sur une plage de fonctionnement étendue (régime et charge). 
Ces travaux consisteront notamment à améliorer la modélisation du mélange H2/air dans la chambre de combustion lors de l’injection directe ainsi que la description de la propagation de flamme et du phénomène d’auto-inflammation.

Références

[1] Maio, G., Boberic, A., Giarracca, L., Aubagnac-Karkar, D., Colin, O., Duffour, F., ... & Pischinger, S. (2022). Experimental and numerical investigation of a direct injection spark ignition hydrogen engine for heavy-duty applications. International Journal of Hydrogen Energy, 47(67), 29069-29084.
[2] Colin, O., Benkenida, A., & Angelberger, C. (2003). 3D modeling of mixing, ignition and combustion phenomena in highly stratified gasoline engines. Oil & gas science and technology, 58(1), 47-62.
[3] Robert, A., Richard, S., Colin, O., Martinez, L., & De Francqueville, L. (2015). LES prediction and analysis of knocking combustion in a spark ignition engine. Proceedings of the Combustion Institute, 35(3), 2941-2948.

Contact scientifique : olivier.laget@ifpen.fr

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