13.12.2024
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Le biochar est un résidu solide de la pyrolyse d’une biomasse très riche en carbone (>60%) [1]. Généralement, il est produit dans le but d’augmenter le stock de carbone du sol, en l’épandant sur des parcelles agricoles. Une fois mélangées au sol, les particules de biochar se dégradent très lentement et peuvent ainsi rester dans l’environnement pendant plusieurs centaines d’années [2]. Afin de comprendre et tracer les flux de biochar dans l’environnement, il est nécessaire de pouvoir les quantifier. Pour cela, IFPEN propose une nouvelle méthode, basée sur l’analyse thermique du Rock-Eval®.
Une quantification directe et rapide
Les méthodes existantes de quantification du biochar dans les sols utilisent des techniques d’oxydation (thermique ou chimique), d’identification optique ou de marquage moléculaire, et restent limitées dans leur performance du fait de leur caractère chronophage et/ou manipulateur-dépendant [3]. Le dispositif Rock-Eval® propose une méthode d’analyse thermique développée par IFPEN, permettant la mesure précise du carbone organique et minéral dans le sol. Cette méthode présente l’avantage d’être directe (exempte de pré-traitement) et relativement rapide (environ 1h par échantillon).
Le Rock-Eval® est composé de deux fours, l’un pour la pyrolyse et l’autre pour l’oxydation. Au cours d’une analyse, l’échantillon est successivement pyrolysé puis oxydé à des rampes de températures définies. Les émissions de carbone sous forme d’hydrocarbures, CO et CO2, sont mesurées au cours du temps et permettent la création de cinq thermogrammes, chacun correspondant à un type d’émission de carbone pendant l’une des deux phases.
Une signature thermique spécifique du biochar
L’étude a porté sur des mélanges sol-biochar issus de quatre sols cultivés et de six biochars de biomasses différentes (herbe, maïs, compost, miscanthus, bois et colza) pyrolysées entre 400 et 650 °C. Les sols et les biochars ont été mélangés selon six ratios compris entre 0.05 et 1 % massique.[4]
Pour tous les mélanges, la présence de biochar a provoqué l’émission d’un pic de CO2, pendant la phase d’oxydation, entre 410 et 610 °C (figure 1). Ce CO2 correspond à des émissions de carbone issues de molécules stables pouvant être liées à la présence de biochar, mais aussi à la biomasse pyrolysée lors d’un feu de forêt par exemple. Il peut également s’agir de molécules chimiquement stables et non-pyrolysées présentes naturellement dans le sol avant l’ajout du biochar, telles que la lignine.
Une quantification précise et modulable
Le biochar étant plus riche en carbone que le sol, sa présence se traduit par un véritable pic de CO2 (CO2oxi), d’autant plus marqué que le sol « pur », avant ajout de biochar, est pauvre en carbone organique (< 4-5%), ce qui est souvent le cas des sols cultivés. L’aire de ce pic, lorsqu’on lui soustrait l’influence du sol sur ce même intervalle de température, donne une très bonne estimation de la quantité de biochar dans les mélanges (figure 2). Cette méthode nécessite cependant l’analyse du sol pur, avant ajout de biochar. En l’absence de cette référence, il est toujours possible d’utiliser l’échantillon de mélange contenant le plus petit pic, permettant ainsi une estimation relative de la quantité de biochar ajoutée.
Applications de la méthode
L’amendement de sol avec du biochar est généralement réalisé dans des parcelles agricoles, ce qui explique la nécessité de la quantification dans les sols cultivés. Cependant, cette technique est également intéressante pour les sols urbains. Actuellement, IFPEN travaille sur deux projets de sols urbains dans lesquels elle sera appliquée : le projet ADEME Response et le projet ANR Optisoil. Au cours du temps, les particules de biochar peuvent être transférées dans des sols forestiers ou de prairies, naturellement plus riches en carbone. De ce fait, la quantification de biochar dans ces sols est nécessaire au suivi du devenir des particules dans l’environnement. Enfin, la quantification des charbons dans les sols archéologiques est également intéressante, puisqu’elle renseigne sur les activités anthropiques à l’origine du dépôt de ces charbons.
Outre la quantification du biochar dans les sols, le Rock-Eval® permet également de comparer les caractéristiques de biochars « purs » ; il renseigne alors sur la teneur en carbone total et sur les proportions de carbone thermo-labile (pyrolysable) et thermo-résistant, dont les valeurs dépendent de la biomasse utilisée et des conditions de pyrolyse. Ces informations sont par exemple utiles pour contrôler la qualité du biochar en sortie de production ou avant application.
Références :
[1] Lehmann, J., & Joseph, S. (2015). Biochar for environmental management: an introduction. In Biochar for environmental management (pp. 1-13). Routledge. eBook ISBN: 9780203762264
[2] Wang, J., Xiong, Z., & Kuzyakov, Y. (2016). Biochar stability in soil: meta‐analysis of decomposition and priming effects. Gcb Bioenergy, 8(3), 512-523.
>> DOI : https://doi.org/10.1111/gcbb.12266
[3] Xie, Y., Li, C., Chen, H., Gao, Y., Vancov, T., Keen, B., ... & Wang, H. (2024). Methods for quantification of biochar in soils: A critical review. Catena, 241, 108082.
>> DOI : https://doi.org/10.1016/j.catena.2024.108082
[4] Aubertin, M. L., Malou, O. P., Delarue, F., Oliva, P., Houben, D., & Sebag, D. (2024). Quantification of biochar in arable land: A new approach based on Rock-Eval® thermal analysis. Geoderma, 448, 116974.
>> DOI : https://doi.org/10.1016/j.geoderma.2024.116974
Contacts scientifiques : Marie-Liesse Aubertin, David Sebag
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