27.03.2025

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Dans le contexte de la transition énergétique il est crucial d’étudier les cycles biogéochimiques du sous-sol qui jouent un rôle déterminant dans le stockage d'H2, la géothermie, l'extraction de matériaux critiques et l'enfouissement de CO2. Les communautés microbiennes résidentes influencent fortement ces environnements, modifiant par exemple la perméabilité, compliquant les opérations de géothermie, de stockage de gaz, etc. Leur activité métabolique peut également causer des dommages, notamment en corrodant des infrastructures et en produisant du sulfure d'hydrogène.


Une activité biogéochimique intense dans le sous-sol

De nombreuses questions de recherche relatives aux cycles biogéochimiques régissant le fonctionnement du sous-sol, apparaissent aujourd’hui primordiales dans le contexte de la transition énergétique. En effet, du stockage d’H2 à la production d’énergie géothermique, de l’extraction de matériaux critiques à l’enfouissement de CO2, le sous-sol porte des enjeux cruciaux pour notre futur à court et moyen terme. 
Or, il est aujourd’hui admis que les environnements de subsurface peuvent être grandement influencés par les communautés microbiennes (procaryotiques) résidentes [1]. En particulier, la présence de bactéries et d’archées1 organisées en biofilms modifie la perméabilité du milieu poreux, entravant ainsi le fonctionnement de nombreuses applications, telles que la géothermie et le stockage géologique de gaz [2]. D’autres études indiquent que 80% des puits d’injection dans les aquifères montrent des problèmes de colmatage dus à la formation de bulles, aux particules en suspension mais également à la croissance de biofilms microbiens et à la précipitation de minéraux induite [3, 4]. De plus, par leur activité métabolique, les bactéries et les archées présentes en subsurface sont susceptibles de consommer et/ou produire des gaz [5] altérant ainsi les roches du réservoir [6], et entraînant donc parfois d’importantes complications opérationnelles telles que la corrosion des infrastructures, le colmatage de sites d’injection [7] et la production de sulfure d’hydrogène dans les stockages de gaz [8].

1 Microorganismes unicellulaires génétiquement distincts des bactéries


Impact de la minéralogie et de la température sur la consommation d'hydrogène des communautés microbiennes du sous-sol

A titre d’exemple, de premiers travaux IFPEN décrits dans la source ci-dessous se sont attachés à évaluer l’influence de la minéralogie et de la température sur la consommation d'hydrogène par des communautés microbiennes typiques du sous-sol (archées méthanogènes, bactéries sulfato-réductrices et homoacétogènes2). Ils ont révélé l'importance de prendre en compte la minéralogie et la température dans l'évaluation des potentiels réservoirs de stockage souterrains d’hydrogène (UHS), car elles peuvent avoir un impact significatif sur les populations microbiennes indigènes et sur leur dynamique de consommation de cette molécule. Ainsi, la présence de gypse favorise la réduction des sulfates par rapport à la méthanogenèse et à l'homoacétogenèse, surtout à basse température, alors que la méthanogenèse est dominante à 34 et 40°C en l’absence de sulfate (cf. Figure). A 25°C, les bactéries homoacétogènes sont favorisées par rapport aux archées méthanogènes et la production d'acétate varie en fonction de la minéralogie des roches présentes. Ceci suggère des interactions entre la communauté microbienne et les roches qui peuvent servir de substrat pour former des biofilms. Ces changements métaboliques sont associés à des changements radicaux dans les populations microbiennes, soulignant que la plasticité des écosystèmes vis-à-vis de l’hydrogène dépend également de la composition minéralogique du réservoir.


2 Bactéries qui utilisent l’hydrogène et le dioxyde de carbone pour produire de l'acétate
 

Figure : Influence de la température et de la minéralogie sur les proportions d'hydrogène (en %) converti par diverses voies métaboliques


Des données expérimentales pour nourrir les futurs travaux de modélisation

Pour aller plus loin, les équipes d’IFPEN conduisent un projet visant à développer des approches méthodologiques multidisciplinaires pour mieux comprendre les cycles biogéochimiques ayant lieu dans les sous-sols et les installations qui y sont opérées. De nouveaux dispositifs expérimentaux sont développés, allant du micromodèle au coreflood3 en passant par les réacteurs haute pression et la calorimétrie, afin d’étudier la dynamique des biofilms et la réactivité microbienne et géochimique dans des milieux poreux, à différentes échelles et dans des conditions représentatives du sous-sol (température, pression, écoulement). Les données générées à partir de cet ensemble d’expérimentations alimenteront ensuite des outils de modélisation permettant d’améliorer la prédiction des phénomènes réactifs dans les environnements souterrains étudiés.

3 Dispositif expérimental permettant d’injecter un fluide ou une combinaison de fluides à travers un échantillon de roche

Source :

Muller, E., Guélard, J., Sissmann, O., Tafit, A., & Poirier, S. (2024). Evidencing the influence of temperature and mineralogy on microbial competition for hydrogen consumption: Implications for underground hydrogen storage (UHS). International Journal of Hydrogen Energy, 82, 1101-1113. 
>> https://doi.org/10.1016/j.ijhydene.2024.08.024


Références :

[1]  Rittenberg, S. C. (1964). Geological Microbiology: Introduction to Geological Microbiology. In Science, 143 (3611), 1156–1157. 
      >> https://doi.org/10.1126/science.143.3611.1156.b 

[2]  Gaol, C. L. et al. (2021). Investigation of clogging in porous media induced by microorganisms using a microfluidic application. Environmental Science: Water Research & Technology, 7(2), 441-454.  
       >> https://doi.org/10.1039/D0EW00766H

[3]  Dillon et al. (1994). Review of International Experience in Injecting Water Into Aquifers for Storage and Reuse. Conference paper in Water Down Under 94: Groundwater Papers, Preprints of Papers, 13–19.

[4]  Bloetscher, F. et al. (2014). Lessons Learned from Aquifer Storage and Recovery (ASR) Systems in the United States. Journal of Water Resource and Protection, 6 (17), 1603. 
       >> https://doi.org/10.4236/jwarp.2014.617146 

[5]  Dopffel, N. et al. (2021). Microbial side effects of underground hydrogen storage – Knowledge gaps, risks and opportunities for successful implementation. International Journal of Hydrogen Energy. 
      >> https://doi.org/10.1016/j.ijhydene.2020.12.058

[6]  Trias, R. et al. (2017). High reactivity of deep biota under anthropogenic CO2 injection into basalt. Nature communications, 8(1), 1-14. 
       >> https://doi.org/10.1038/s41467-017-01288-8

[7]  Klueglein, N. et al. (2016). Testing of H2S Inhibitors for Application in a MEOR Field Pilot in Germany. In SPE Improved Oil Recovery Conference. OnePetro. 
       >> https://doi.org/10.2118/179931-MS

[8]  Hemme, C., & van Berk, W. (2017). Potential risk of H2S generation and release in salt cavern gas storage. Journal of Natural Gas Science and Engineering, 47, 114-123. 
       >> https://doi.org/10.1016/j.jngse.2017.09.007
 

Contact scientifique : Elodie Muller

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