02.06.2021

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Marc Schoenauer

L'arrivée à maturité de l'apprentissage automatique dans les années 2010, avec l'avènement de l'apprentissage profond, a foncièrement modifié le paysage de tous les domaines scientifiques où les données sont massivement disponibles, et atteint aujourd’hui le monde de la simulation numérique.
Mais ce « Deep Learning » est plus qu'une méthode de régression très puissante, et doit être également considéré comme le ferment de la programmation différentiable1, approche dont le déploiement éclairé, dans une relation étroite avec les méthodes classiques des domaines visés, ouvre de nouvelles voies d'avancées scientifiques rapides.

En effet, les systèmes complexes physiques, mécaniques, chimiques, biologiques ou artificiels sont aujourd'hui confrontés à des quantités massives de données,
        • soit en entrée, générées par des capteurs bon marché qui sont déployés partout ;
        • soit en sortie, générées par des simulations numériques de modèles mécanistes, qui sont aujourd'hui matures dans de nombreux domaines. 

Il y a donc désormais moyen de tirer parti des deux extrémités de la chaîne : depuis l'intégration de données du monde réel dans des modèles mécanistes existants d'ODE et de PDE2 jusqu’à la dérivation de modèles entièrement nouveaux, directement à partir de données réelles, en respectant les propriétés connues du système considéré3.

Ce numéro spécial illustre comment IFPEN tire parti de cette révolution, en associant son expertise passée à la créativité de ses chercheurs pour développer des solutions innovantes.

Marc Schoenauer, INRIA-Saclay
Membre du Conseil scientifique d’IFPEN
 

1- Combinant le Machine Learning et l'optimisation numérique
2- Respectivement : Ordinary Differential Equation et Partial Differential Equation
3- Par exemple : la conservation de la masse, la dissipation d'énergie, les invariances géométriques etc.
  


 

Des « flashs » plus rapides grâce à l’apprentissage profond

Un grand nombre de simulateurs, qu’ils portent sur le dimensionnement des procédés réactionnels, sur l’évolution des réservoirs pétroliers ou de celle des dispositifs de combustion, nécessitent d’accéder à des propriétés thermodynamiques. Pour fournir ces propriétés, IFPEN a développé une bibliothèque de modules de calculs, nommée « Carnot », du nom du célèbre thermodynamicien français. Or ces calculs, en particulier ceux concernant l’équilibre entre phases (aussi appelés « flash »), sont généralement très consommateurs en ressource de calcul du fait de la complexité des systèmes considérés, et représentent dans de nombreux cas la partie la plus chronophage de la simulation.

Conception numérique axée sur l’analyse de microstructures multi-échelles de matériaux poreux

La conception de matériaux poreux performants est un enjeu majeur pour l’efficience énergétique des procédés industriels : en catalyse, biocatalyse ou encore pour les opérations de séparation et de purification. Pour de telles applications, ces matériaux tirent leurs propriétés d’intérêt de leur microstructure particulière, comportant une grande quantité d’espaces vides organisés et connectés à l’échelle du nanomètre. IFPEN et Saint Gobain Research Provence (SGRP) se sont associés afin de se doter d’un outil facilitant à terme la mise au point de matériaux poreux optimisés en fonction d’usages donnés.

Digital Rock Physics à IFPEN

La caractérisation des réservoirs géologiques, thème historique de l’exploitation pétrolière, est aujourd’hui un socle d’intérêt pour des domaines applicatifs variés tels que le stockage de CO2 ou d’hydrogène, ou encore la géothermie. Ces dernières années, l’utilisation conjointe de l’imagerie 3D par microtomographie (ou micro-CT) et de techniques de simulation avancées a permis l’émergence d’une approche digitale du calcul des propriétés pétrophysiques de roches de réservoir (Digital Rock Physics). Ceci représente un vrai complément voire, dans certains cas, une alternative aux mesures traditionnelles en laboratoire.

Interprétation d’images géologiques assistée par Intelligence Artificielle

Au cours de la dernière décennie, l’apprentissage profond (deep learning) appliqué à l’analyse d’images a connu un réel essor et une extension dans de nombreux domaines. Cependant, son potentiel reste encore sous-exploité en géologie, bien que cette discipline implique beaucoup d’interprétation visuelle. Pour contribuer à la transformation numérique des industries liées au sous-sol, les chercheurs IFPEN ont mis en œuvre l'apprentissage profond dans trois « contextes métier », impliquant chacun un type différent d’images géologiques.

Segmentation sémantique par apprentissage profond en sciences des matériaux

La segmentation sémantique réalisée sur des images de microscopie est une opération de traitement effectuée en vue de quantifier la porosité d’un matériau et son hétérogénéité. Elle vise à affecter une classe d’appartenance (niveau d’hétérogénéité de la porosité) à chaque pixel de l’image. Cependant elle est très difficile sur certains matériaux (comme les alumines employées pour la catalyse), voire impossible par une approche classique de traitement d’image, car les différences de porosité sont caractérisées par des contrastes faibles et des variations de texture complexes. Un moyen de dépasser cette limitation est d’aborder par apprentissage profond la segmentation sémantique, en recourant à un réseau de neurones convolutifs.