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Face aux enjeux climatiques, les carburants alternatifs suscitent un intérêt croissant pour la mobilité de demain. Parmi ceux-ci, des hydrocarbures peuvent être synthétisés via un procédé bien connu : le procédé Fischer-Tropsch (FT), à partir de gaz de synthèse (CO et H2) produit notamment par gazéification de la biomasse. La réaction FT est une polymérisation de CO et H2 qui met en jeu des réactions d’initiation, de propagation et de terminaison de chaînes pour générer une distribution en produits hydrocarbonés à longues chaînes pouvant contenir jusqu’à 100 atomes de carbone.

La désactivation des catalyseurs FT est cependant une problématique majeure qui impacte directement les coûts du procédé. De plus, cette perte d’activité s’accompagne d’une chute de la sélectivité vis-à-vis des longues chaînes hydrocarbonées synthétisées, ce qui diminue la fraction de produits valorisables. Les mécanismes responsables de la désactivation sont aujourd’hui bien documentés, en revanche ceux à l’origine de la désélectivation sont méconnus.

Pour identifier ces mécanismes, une méthodologie en plusieurs étapes a été mise en place dans le cadre d’une thèse de doctorata. Tout d’abord, des protocoles de vieillissement accéléré ont été développés pour simuler individuellement chacun des principaux phénomènes de désactivation. Puis, des expérimentations haut débit (EHD) mettant en œuvre ces protocoles ont permis de caractériser in situ leur effet sur la sélectivité des catalyseurs. Enfin, la modélisation des données expérimentales obtenues, via un modèle microcinétique détaillant chaque étape élémentaire de la réaction, a été utilisée pour interpréter les phénomènes en jeu à l’échelle moléculaire.

Les résultats montrent que parmi les phénomènes de vieillissement observés, le dépôt de carbone [1], la carburation [2] (figure) et l’oxydation de la phase active induisent tous une perte de sélectivité vis-à-vis des hydrocarbures à longues chaînes, le dépôt de carbone s’avérant le plus délétère des trois. La carburation se distingue toutefois des autres phénomènes car elle provoque simultanément une diminution de la sélectivité en oléfines.

D’après les résultats de modélisation, ce serait la modification des vitesses de propagation et de terminaison des chaînes, induite par un changement d’environnement électronique ou stérique des sites actifs, qui provoquerait le phénomène de désélectivation. Un modèle capable de prendre en compte les différents mécanismes de désactivation et de désélectivation a finalement été proposé, puis confronté à des données industrielles de synthèse Fischer-Tropsch. Les simulations qui en découlent révèlent que le dépôt de carbone et la carburation permettent d’expliquer quantitativement la perte de sélectivité observée expérimentalement.

L’identification, la caractérisation et la modélisation des phénomènes de désélectivation constituent des outils qui permettent aujourd’hui d’orienter le choix de la formulation des catalyseurs et/ou des conditions opératoires de la réaction pour améliorer les performances du procédé Fischer-Tropsch.

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Figure
Figure : Mécanismes de désélectivation identifiés en conditions industrielles.
A gauche : dépôt de carbone polymérique sur catalyseur neuf (t=0)
A droite : carburation subsurface et dépôt de coke (fin de test)

   
a- Thèse : « Désélectivation en catalyse Fischer-Tropsch : vers une identification des mécanismes », P. Hazemann, Université Claude Bernard Lyon 1, 2020.
     


Références :

  1. P. Hazemann, D. Decottignies, S. Maury, S. Humbert, F. C. Meunier, Y. Schuurman, Journal of Catalysis, 397, 2021, 1-12, ISSN 0021-9517
    >> https://doi.org/10.1016/j.jcat.2021.03.005
        
  2. P. Hazemann, D. Decottignies, S. Maury, S. Humbert, F. C. Meunier, Y. Schuurman, Journal of Catalysis, 401, 2021, 7-16, ISSN 0021-9517
    >> https://doi.org/10.1016/j.jcat.2021.07.009
          

Contacts scientifiques : Dominique Decottignies, Sylvie Maury 

>> NUMÉRO 47 DE SCIENCE@IFPEN