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La précipitation de sel dans des roches perméables est un risque auquel sont exposés certains secteurs de l’énergie, en particulier pour le stockage de gaz dans des formations géologiques lors des phases opérationnelles (injection et soutirage), lorsqu’il y a contact avec des aquifères salins. En effet, la circulation d’une phase gazeuse dans un milieu poreux partiellement saturé en saumure induit une cristallisation et une précipitation de sels au sein de l’espace poreux. Cette précipitation réduit l’espace permettant la circulation des fluides, ce qui entraîne l'altération de la perméabilité de la roche, voire son colmatage dans certaines conditions.

Afin de comprendre les mécanismes sous-jacents à ce phénomène d’endommagement, des expériences d’écoulement de gaz dans un milieu poreux préalablement saturé en saumure ont été réalisées sur le banc d’écoulement CAL-X d’IFPEN[1]. Ces expériences ont permis d’observer en 2D la dynamique de migration du sel, grâce à l’utilisation de la radiographie par rayons-X. Toutefois, l'utilisation des seuls rayons X ne suffit pas pour à la fois mesurer la saturation locale en eau et différencier les états dans lesquels se trouve le sel. 

Pour pallier cette limitation, ces expériences ont été reproduites sur la ligne neutron D50T de l'Institut Laue-Langevin (proposition UGA-77)[2], dans le cadre d’une collaboration avec le laboratoire NeXT-Grenoble[3] et Equinor. Cette ligne dispose également d’une source de rayons-X, permettant ainsi de produire des observations simultanément par imagerie aux rayons-X et par imagerie aux neutrons. La complémentarité de ces deux méthodes permet donc de suivre localement la saturation en eau et la quantité de sel, à la fois dissoute et précipitée.

La figure 1 montre une série de radiographies de neutrons et de rayons-X acquises pendant une injection d’un gaz sec (N2) dans une roche, au contact d’une saumure à 100 g/l de KBr dans sa partie basse. La radiographie neutronique montre clairement la présence d'eau à la base de l'échantillon, tandis que la radiographie aux rayons-X révèle la migration de sel. 

La figure 2 illustre l'évolution dans le temps (a) et l’espace (b) de différentes grandeurs d’intérêt (quantité d’eau, de sel dissous et de sel précipité). Ces observations ont permis de montrer que la précipitation de sel résulte de l'interaction de différents paramètres, à savoir le gradient de pression, la concentration de la saumure, les forces capillaires et la pression partielle de la vapeur d’eau. De plus, l’injection de gaz sec fait précipiter systématiquement le sel mais l'altération de la perméabilité n'est observée que si un contact capillaire est maintenu avec la saumure.

Ce travail expérimental a permis de construire un modèle d'écoulement 2D intégrant les différents mécanismes physiques et physico-chimiques observés. Une fois calibré, le modèle a démontré une bonne prédictibilité de l'expérience à l'échelle du laboratoire. Ce modèle va pouvoir être utilisé dans le cadre d’une étude paramétrique et faire l’objet d’une mise à l'échelle par simulation au niveau du puits.

Cliquer sur les images pour les agrandir

Science@ifpen n° 46
Figure 1 : Radiographies 2D pendant la précipitation de sel, prises à 100 min, 120 min et 140 min de gauche à droite.
Le gaz est injecté de haut en bas, le contact capillaire est maintenu en bas de l’échantillon
Science@ifpen n° 46
Figure 2 : Essai d’injection d’azote avec contact capillaire à la saumure de KBr à 100 g/l maintenu à la sortie. a) saturation et débit de gaz, b) évolution dans le temps de la quantité de sel et c) répartition du sel dans les différentes phases (t = 150 min) 

 


Références :

[1] O. Lopez, S. Youssef, A. Estublier, J. Alvestad et C. Weierholt Strandli. 3S Web Conf., 146 (2020) 03001. https://doi.org/10.1051/e3sconf/202014603001. 
   
[2] M. Mascle, O. Lopez, H. Deschamps, L. Rennan, N. Lenoir, A.Tengattini et S. Youssef. Int. Sym. of the Society of Core virtual, SCA 2021-06.
  
[3] A. Tengattini, N. Lenoir, E. Andò, B. Giroud, D. Atkins, J. Beaucour et G. Viggiani. Nuclear Instruments and Methods in Physics Research Section. Volume 968, 2020. https://doi.org/10.1016/j.nima.2020.163939.
 

Contact scientifique : souhail.youssef@ifpen.fr

>> NUMÉRO 46 DE SCIENCE@IFPEN